“L’Esprit de la Galilée” souffle sur le monde

Un groupe inhabituel se faufile dans les rues de Nazareth : quelques hommes portant la kippa, un prêtre orthodoxe en robe noire, deux femmes voilées et d’autres encore. Tout ce petit monde se dirige vers l’église anglicane du Christ. En haut des marches de l’église, tous se saluent, s’embrassent et pour certains font connaissance. C’est le petit moment informel avant la rencontre du mois de juin.

L’Esprit de la Galilée, c’est le nom du groupe, a été créé en 2020 pendant la pandémie. En Israël, la Galilée est un lieu unique de cohabitation : les agglomérations juives existent à côté des villages arabes, certains villages sont mélangés avec des habitants musulmans, druzes et chrétiens, et la communauté bahaï est aussi présente dans la région puisqu’elle a ses principaux lieux saints à Saint-Jean d’Acre et Haïfa. Malgré la proximité géographique, la plupart des gens ne connaissent pas vraiment les traditions des autres courants religieux.

Certains lieux, comme les supermarchés et les centres commerciaux, permettent aux gens de se côtoyer, mais sans plus. C’est pour répondre à ce manque que L’Esprit de la Galilée a été créé : les responsables des différentes communautés religieuses veulent permettre une meilleure connaissance mutuelle. Les premières rencontres se sont faites virtuellement. Petit à petit, le groupe s’est constitué et a commencé à se réunir. Les membres sont des responsables religieux de toutes les communautés de Galilée.

Ce jour-là à Nazareth, tout le monde est entré dans l’église pour attendre au frais les derniers arrivants. Un taxi arriva bientôt de Saint-Jean d’Acre avec quelques membres, un autre taxi était annoncé en provenance d’Haïfa, et d’autres personnes sont venues par leurs propres moyens des villes et villages environnants Nazareth. Ce soir, ils sont une vingtaine de membres et trois personnes de la paroisse anglicane pour les accueillir.

Quatre religions et des préceptes similaires

Les paroissiens présentent l’histoire de leur église, fondée au XIXe siècle. Puis les participants se déplacent dans la salle paroissiale pour un temps d’étude. Soheil, directeur d’école à la retraite, a préparé une activité autour des dix commandements. Il répartit les participants en petits groupes pour étudier et réfléchir ensemble, et a inscrit sur une feuille un tableau en arabe et en hébreu avec quatre colonnes et dix lignes : les colonnes pour les religions — judaïsme, christianisme, islam et bouddhisme — et les lignes pour les paroles ou commandements.

Au cours de la soirée, les participants parlent de leur propre religion et posent des questions sur les autres traditions. Certaines cases sont corrigées par les participants. Soheil, qui est chrétien, admet que certaines finesses du bouddhisme ou de l’islam lui ont échappé, et reconnaît ses limites avec un sourire. Finalement, après que tout le monde s’est remis en grand groupe, on découvre que les quatre traditions abordées ont en commun des préceptes similaires. Après la discussion, les participants partagent un repas, avec des options pour accommoder les régimes alimentaires de chacun.

Lire aussi >> La foi, une aide pour se reconstruire face à la guerre

Vu comme cela, tout a l’air facile, mais la situation actuelle du pays rattrape le groupe. Au début de la rencontre, les paroissiens annoncent que le pasteur du lieu, qui devait les accueillir en personne, a été appelé pour officier un enterrement en Palestine. Géographiquement, le village où il est allé n’est pas loin, donc on espère qu’il pourra se joindre au groupe pour le repas.

Mais le Père Saba, l’un des deux responsables de l’association, explique que la situation des checkpoints en Cisjordanie est devenue tellement compliquée qu’il ne pourra probablement pas arriver à temps. Il décrit en détail le chemin que le pasteur doit parcourir et insiste sur les difficultés de déplacement et l’évolution de la situation dans ce territoire.

Pleurer ensemble

Le groupe écoute attentivement et acquiesce tristement. La qualité d’écoute est incroyable, les différents membres sont très bien informés sur les événements de la région et la parole de chacun est accueillie avec bienveillance. L’Esprit de la Galilée propose régulièrement des visites de Lieux saints à ses membres pour mieux connaître les traditions des uns et des autres, et dans chaque lieu visité, un acteur local en explique l’histoire.

Chacun parle de sa propre tradition aux autres, personne ne parle pour les autres. L’association s’implique également dans l’organisation de plusieurs événements interreligieux tout au long de l’année avec d’autres associations. L’événement majeur du printemps est la marche pour la paix qui a lieu chaque année à Jérusalem pour affirmer la vocation de paix des différentes traditions religieuses présentes dans le pays : cette année, plus de 500 personnes se sont retrouvées pour marcher ensemble.

Après le 7 octobre, le groupe a rapidement senti le besoin de se réunir de manière virtuelle d’abord. Les différents membres ont pris le temps de pleurer ensemble et d’exprimer leur souffrance, puis l’urgence de la situation a fait que les activités ont repris de plus belle. Les membres s’organisent pour aller faire des visites de soutien lorsqu’il y a des attaques racistes dans l’une ou l’autre communauté, et les visites de condoléances sont aussi une part importante des actions du groupe.

Ces visites ont un impact certain dans un environnement où les représentants religieux opèrent de manière indépendante. Voir arriver ensemble un petit groupe aussi divers que L’Esprit de la Galilée démontre, dans des situations pénibles, que vivre ensemble est possible.

Une histoire de connexion

Rabbi Leora Ezrachi-Vered est née à Jérusalem. Elle est la troisième génération dans sa famille à militer dans le domaine de l’interreligieux. Elle a été élevée dans un foyer religieux, libéral et sioniste. Il y a sept ans, après avoir été ordonnée par le Collège de l’Union hébraïque à Jérusalem, elle est devenue rabbin de Nigun Halev, une congrégation juive libérale dans la vallée de Yizréel.

“Je suis honorée et excitée de prendre la tête de L’Esprit de la Galilée et de continuer ce travail important. Les chefs religieux ont la mission unique dans ce monde d’aider les autres à cultiver leur connexion au Divin et aux autres humains, en reconnaissant que nous sommes tous créés à l’image divine. Et nous avons le privilège de travailler avec des gens pendant des années, en cultivant des relations personnelles profondes. Nous travaillons à faire du monde un meilleur endroit pour nos communautés et pour la société en général.”

Prière pour la paix

Dieu – Allah – Hashem

Renforce les mains de ceux qui désirent la paix dans notre région.

Qu’ils sentent et sachent qu’ils ne sont pas seuls.

Nous nous tenons derrière eux, personnes de toutes religions, de tous âges et de tous genres, qui prions pour la paix et le calme dans notre région.

Que les kidnappés rentrent à la maison.

Nous prions pour la fin du cycle de la vengeance.

Que cette terre soit un lieu de vie pour t ous ses habitants de maintenant et à jamais.

Et disons : Amen.