Trois religions, unies dans l’unique prière à Dieu
Accueillir et être accueilli est l’une des actions de Dieu. Dans la culture du Moyen-Orient, l’hôte a quelque chose de sacré et la Bible même est pleine d’exemples qui confirment cette pratique divino-humaine.
“N’oubliez pas l’hospitalité ; elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges” (Hé 13, 2) est un verset que j’aime beaucoup. Lorsque les restrictions de l’isolement prolongé que nous avons connu à cause de la pandémie ont commencé à s’atténuer, après les premières semaines où seules les familles pouvaient se rencontrer, les amis ont pu à leur tour se voir en personne. La toute première visite que j’ai reçue au couvent était celle d’un ami cher de Tel Aviv, Ihab, un leader du courant mystique musulman, le soufisme, groupe le plus spirituel de l’islam.
Sa visite était la réalisation d’un projet que nous avions pensé et espéré ensemble pendant le confinement : nous rencontrer en tant que représentants spirituels des trois religions monothéistes, partager les souffrances et les joies vécues pendant cette période particulière que vit l’humanité et nous rassembler dans la prière pour demander à Dieu la santé et la consolation.
La longue journée de prière a commencé à Tel-Aviv ; Tamar, la rabbine de la synagogue, avec laquelle nous collaborons depuis plusieurs années, est allée chez Ihab pour lui rendre visite et passer du temps avec lui. Elle lui a offert un shofar, la corne de bélier que l’on fait sonner pour les grandes fêtes juives et surtout le jour des Expiations, pour demander à Dieu pardon et miséricorde.
Ce fut ensuite le tour d’Ihab de quitter Jaffa-Tel Aviv et de venir dans mon couvent pour transmettre la bénédiction de l’hospitalité. Il sortait de chez lui pour la première fois après plus de deux mois. Nous n’avons pas pu nous embrasser comme nous le faisions habituellement ; nous nous sommes salués de loin en nous inclinant profondément et, derrière les masques, nous avons quand même pu imaginer le grand sourire mutuel qui passait dans nos yeux.
Nous nous sommes assis dans l’église et avons parlé des choses importantes qui se sont passées durant ces derniers mois, des souffrances que tant de fidèles nous ont déposées dans la prière et du grand défi de croire et de parler de Dieu dans ce temps de mort et de désolation que vit le monde entier. Il m’a laissé en cadeau un livre de prières, un recueil de textes des traditions chrétienne, juive et musulmane ; je l’ai amené dans mon atelier d’iconographie et lui ai donné un pinceau en souvenir de ce qui m’a aidé à surmonter le temps d’épreuve qu’a été l’isolement : l’écriture d’une icône de la Mère de Dieu et de son fils Jésus.
Nous nous sommes ensuite rendus ensemble au nouveau siège du Centre pour le dialogue interreligieux, un endroit spécial donnant sur le parc de la vallée du Cédron à Jérusalem et nous y avons retrouvé Tamar. Là nous attendaient Ibtisam, une femme musulmane responsable du Centre pour les femmes juives et musulmanes, ainsi que d’autres amis chrétiens de la communauté catholique d’expression hébréophone.
La journée s’est terminée par une prière pour Jérusalem et le monde entier sur la terrasse du Centre, uniquement entourés de nature et de ciel. L’émotion était grande, nos voix se sont unies dans les chants des trois traditions religieuses et ont demandé la bénédiction de Dieu et la paix pour chaque homme et pour la terre entière : “Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de paix dans la foi”. (Rm 15, 13) t