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18 ados musulmans à la découverte de Jérusalem

Cyrille David
30 juillet 2013
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Toute une classe d’adolescents musulmans est venue visiter Jérusalem pour la première fois de leur vie. Une visite qui devait avoir lieu en langue française et qu’on avait demandé à Marie-Armelle Beaulieu, rédactrice en chef de Terre Sainte Magazine de guider. Retour sur une visite pas ordinaire.


Dix-huit collégiens d’une même classe de Naplouse en Cisjordanie ont visité pour la première fois Jérusalem. Ils étaient les gagnants d’un concours d’expression française organisé par les services culturels du Consulat Général de France, dans le cadre de la promotion de l’enseignement de la langue de Molière, et se sont vus offrir une journée à Jérusalem. C’est la première fois de leur vie qu’ils accédaient à la Ville sainte, le Consulat Général ayant obtenu pour eux la précieuse autorisation. La visite devait avoir lieu en langue française, guidée par Marie-Armelle Beaulieu de Terre Sainte Magazine.
“Comment tu t’appelles ? Tu viens d’où ?”, les questions de ces jeunes, curieux de tout et profitant de cette sortie à fond, fusent.
Débarqués du bus à la porte des Lions, ils commencèrent la visite sur l’esplanade des mosquées. “Quand on est arrivé sur l’esplanade et dès qu’ils ont vu le Dôme du Rocher, tous les téléphones portables sont sortis des poches pour faire une photo” raconte Marie-Armelle. “La visite des mosquées s’est faite sous la direction du waqf (service des affaires religieuses musulmanes) c’est une obligation. Après le Dôme du Rocher nous nous sommes dirigés vers El Aqsa, la lointaine, mentionnée sous ce nom dans le Coran ce qui en fait la sainteté. Avant d’y entrer, les enfants ont demandé à faire les ablutions.” Arrivés dans la mosquée, “certains des garçons se sont mis tout de suite à l’écart pour prier. La sérénité de leur visage était impressionnante” poursuit Marie-Armelle.
Leur professeur de français, Oussama Mustafa, et le directeur de l’école, Mounir Abu Zant, les ont accompagnés lors de cette sortie scolaire exceptionnelle. C’était aussi la première fois de sa vie que le professeur de français, d’une quarantaine d’années, se rendait sur l’esplanade. “C’est magnifique !” s’exclame-t-il tout heureux.

Un thème neutre

Pour la visite de la Vielle ville Marie-Armelle avait choisi la thématique de l’eau, “parce qu’elle est nécessaire à tous juifs, chrétiens et musulmans et qu’elle permet à elle seule de retracer l’histoire de la ville sans passer par ce qu’on appelle ici les ‘narratifs’israéliens ou palestiniens. L’eau c’est neutre.” Après avoir vu une des six fontaines publiques de l’époque ottomane construites sur l’esplanade, le groupe se rendit au hammam (bain turc) al-Ayn qui jouxte l’esplanade des mosquées. Il leur fut présenté par Huda al-Immam directrice du Centre pour les études de Jérusalem dans lequel se situe le hammam. Huda était censée conduire la visite en français qu’elle parle couramment, mais les élèves peinent un peu à suivre. Elle poursuit donc en arabe.
Faisant le décompte des écoles qui enseignent le français dans la région de Naplouse, Manar Alaker arrive à une vingtaine, incluant les écoles privées. Elle est inspectrice pour l’enseignement du français dans les 13 écoles gouvernementales qui enseignent le français dans le gouvernorat de Naplouse et elle accompagne pour cette visite les jeunes de 13 et 14 ans qui apprennent le français depuis 5 ans.
“Même en posant des questions simples et en utilisant un vocabulaire adapté, c’était difficile de tout faire en langue française, explique Marie-Armelle. J’ai dû moi-même sortir tout mon vocabulaire arabe pour traduire des mots ou portions de phrase et les professeurs ont traduit le reste. Je ne suis pas sûre que nos ados français envoyés à Londres ou à Hambourg aient un niveau supérieur au même âge. Certains comprenaient plus que d’autres et traduisaient à leurs copains.”
La visite se poursuit donc dans un français émaillé d’arabe et sous forme de jeu. Voilà les enfants partis avec quelques indices de direction à la recherche des fontaines de la ville. Les premiers qui en trouvaient une gagnaient des points. Ce fut la débandade dans les ruelles de la Vieille ville. “Cela les obligeaient à regarder autour d’eux et à s’arrêter régulièrement, nous permettant aussi de les rattraper et de s’assurer qu’on les avait encore tous !” Un support pédagogique, des photos anciennes permettaient de faire revivre l’époque où l’eau ne coulait pas encore des robinets. Des fontaines du quartier musulman, la joyeuse troupe se rendit à un point de vue au dessus du Mur des Lamentions. “Le prétexte, c’était de voir une dernière fois les mosquées. Mais je désirais aussi qu’ils voient les juifs en prière.” Quand Marie-Armelle demande aux collégiens ce qu’est le Mur des Lamentations, ils hésitent. L’un d’entre eux, Ibrahim, se jette à l’eau et répond “les juifs pensent que c’est leur lieu saint”.

Dernières étapes

“Je n’ai pas senti d’hostilité, ni vis-à-vis des chrétiens ni vis-à-vis des juifs mais, en revanche, une grande ignorance, même sur le vocabulaire en langue arabe des mots qui disent le christianisme. Par exemple les enfants ne savaient pas dire le mot clocher en arabe. À leur décharge, il n’y en a pas beaucoup à Naplouse.”
Après une pause pour un rafraîchissement et la découverte de la fontaine du Muristan, on entra rapidement dans le Saint-Sépulcre. “Quand je pense a posteriori à mes explications sur cette église comme la plus importante du christianisme et l’aspect bruyant, obscur et un peu crasseux de notre joyau de la foi, je me demande bien ce que les enfants se seront figurés !” Après une dernière fontaine identifiée porte de Damas arrivait le temps de se dire au-revoir. “C’est la plus belle porte de la ville. Les juifs l’appellent Porte de Sichem. Vous savez ce que c’est Sichem ?” interroge Marie-Armelle. “C’est Naplouse !” s’exclament tout joyeux les enfants. “Oui c’est votre porte, elle regarde dans votre direction.” 13 h 15 les délais sont tenus, la journée des jeunes va se poursuivre au zoo.
“Alors contente de l’expérience ?” “Franchement ? Soulagée que ce se soit bien passé, en dépit des nombreux défis. À vrai dire, j’étais impressionnée de faire visiter la ville à ces enfants musulmans. Je la connais mieux qu’ils ne pourront jamais la connaître, mais c’est leur pays, leur culture, la capitale de leur cœur. C’est parce qu’il fallait que ce soit ludique et en langue française autant que possible que j’avais une légitimité à leur faire découvrir leur propre patrimoine. J’espère que quelque chose d’une ville unique pour trois religions sera passé. Moi j’y ai gagné une visite de la Vieille ville de Naplouse où je suis attendue.” En langue française ?t

Dernière mise à jour: 30/12/2023 19:13

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