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La rencontre de deux frères à la synagogue de Rome

Frédéric Manns ofm, Studium Biblicum Franciscanum
30 janvier 2010
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A Jérusalem, dans les milieux catholiques, on a particulièrement suivi la troisième visite de Benoît XVI dans une synagogue. Quand une certaine presse agite encore les chiffons rouges, cette réflexion de frère Frédéric Manns souligne les principaux acquis de ce nouveau pas de deux frères l’un vers l’autre.


Souhaitant la bienvenue au Pape dans la synagogue de Rome le grand rabbin de Rome Ricardo di Segni a médité l’histoire des rapports entre le christianisme et le judaïsme en partant de la Bible. Un des problèmes majeurs mis en évidence par l’auteur sacré est la recherche de la fraternité : Caïn et Abel, Isaac et Ismaël, Jacob et Esaü et finalement Joseph vendu par ses frères. Comment passer du rapport de force au rapport de réciprocité ?

Il y a une lecture juive de ces pages de la Bible et il y a une lecture chrétienne de ces textes. Ce qui va opposer la synagogue et l’Eglise c’est l’interprétation de ces textes : Qui est Jacob et qui est Esaü ? Qui est Caïn et qui est Abel ? Il suffit de relire la littérature rabbinique pour trouver l’identification Esaü et Rome. Les Pères de l’Eglise n’hésiteront pas un instant pour identifier l’Eglise avec Jacob. Nous avons recueilli les textes dans notre ouvrage Les enfants de Rébecca.

Joseph vendu par ses frères est devenu le paradigme de Jésus de Nazareth que l’évangile de Jean appelle le fils de Joseph. Jésus fut vendu par Juda comme Joseph fut vendu par Juda. Les frères de Joseph quand ils descendirent en Egypte acheter du pain ne reconnurent pas Joseph. Ce n’est que lors de la deuxième descente en Egypte qu’ils reconnurent leur frère.

Le pape a reconnu dans sa réponse au grand rabbin que la lecture juive de l’Ecriture est légitime. Finalement c’est aux sources que nous sommes renvoyés et à leur interprétation. C’est à ce niveau que se jouera le dialogue entre l’Eglise et la synagogue.

Les journalistes en recherche de sensationnel ne retiendront de cette visite que les problèmes qui ont précédé cette visite à une communauté juive en ébullition. Le dossier de Pie XII est une affaire interne à l’Eglise. Mais le rapprochement d’amitié entre les deux frères est irrévocable. Impossible de fermer la voie ouverte par Vatican II. Israël reste le peuple de l’alliance. La théologie de la substitution est du même coup pulvérisée.

Beaucoup de journalistes qui aiment opposer le pontificat de Jean-Paul II à celui de Benoit XVI oublient que c’est le cardinal Ratzinger qui était le théologien du pape Jean-Paul II qui a préparé ses grands discours.

La visite à la synagogue de Rome est pour le pape Benoit XVI la troisième visite dans une synagogue. Elle fut précédée par la visite de synagogues de Cologne et de New York. Ceux qui demeurent sceptiques sont invités à lire le livre du pape L’unique alliance de Dieu publié chez Parole et Silence.

Une méditation sur l’histoire du passé ne pouvait que se terminer par une prière. C’est ce que le pape a fait en hébreu cette fois. Une première pour un pape.

Du 17 janvier 1793, jour où les Romains voulaient incendier le ghetto de Rome et furent arrêtés par une averse providentielle au 17 janvier 2010, un long chemin de réconciliation a été parcouru.

Lorsque Jacob retrouve son frère Esaü après la lutte avec l’ange au torrent du Jabok il se jette à son cou et dit cette phrase riche de sens : « Voir ton visage est comme voir le visage de Dieu. » C’est là qu’est la clé de la réconciliation.

Dernière mise à jour: 18/11/2023 23:53

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