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Heurts au mur Occidental : l’Agence juive monte au créneau

Christophe Lafontaine
13 juillet 2022
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Heurts au mur Occidental : l’Agence juive monte au créneau
Les affrontements au mur Occidental entre juifs ultra-orthodoxes et les mouvements progressistes du judaïsme ne datent pas d’aujourd’hui. Ici, en 2016 ©Hadas Parush/Flash90

Fin juin, des ultra-orthodoxes ont troublé des cérémonies à la section égalitaire du mur Occidental. Le 12 juillet, le Conseil des gouverneurs de l'Agence juive a demandé plus de sécurité sur les lieux.



« Nous nous inquiétons chaque jour davantage pour l’unité du peuple juif », a écrit dans sur son compte Facebook le mouvement contemporain juif Massorti en Israël. Il est l’équivalent israélien du mouvement conservateur nord-américain, qui adapte la loi juive aux contraintes de la vie moderne tout en maintenant un cadre traditionnel.

La réaction du mouvement Massorti est intervenu après que des dizaines de jeunes hommes pour la plupart ultra-orthodoxes ont perturbé le 30 juin au matin des cérémonies de bar et de bat mitsvah organisées par trois familles, deux américano-israéliennes et une américaine, dans l’espace de prière égalitaire situé à l’extrémité sud du Kotel (mur Occidental), sous l’arche de Robinson.

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Cette zone qui se trouve donc à l’écart de l’esplanade principale, est un espace de prière destiné aux courants plus progressistes du judaïsme, qui permettent aux hommes et aux femmes de s’asseoir ensemble pendant les offices.

Depuis plusieurs années, des radicaux ultra-orthodoxes n’hésitent pas à installer des cloisons pour séparer les hommes des femmes ou perturbent les cérémonies et prières qui peuvent s’y tenir.

Troubles et insultes

Fin juin, les troubleurs ont utilisé des sifflets pour couvrir de bruit la bar et la bat mitsvah  de jeunes juifs attachés aux courants progressistes du judaïsme et ont traité les jeunes ainsi que leurs proches  de « nazis », de « chrétiens » et « d’animaux », en plus de déchirer des livres de prière. Les témoins ont rapporté avoir vu des affiches portant des slogans tels que « Les [juifs] réformés, dehors ! » et « Vous avez inventé un nouveau judaïsme, inventez un nouveau mur Occidental ».

Comme le résume le Times of Israel, « les approches non-orthodoxes de la foi sont considérées, dans certains cercles haredim, comme une menace existentielle pesant sur le judaïsme « authentique » – et elles sont considérées, en tant que telles, comme beaucoup plus dangereuses que l’indifférence dont les juifs laïcs font preuve ».

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Plus tôt dans la matinée de jeudi 30 juin, les « Femmes du mur », qui militent pour que les femmes soient autorisées à lire la Torah au pied du mur Occidental et à conduire des services religieux, ont organisé dans la section des femmes de la place principale du mur Occidental, contrairement au règlement du lieu, l’une de leurs protestations et lectures mensuelles de la Torah dirigée par des femmes. Comme souvent, des manifestants ultra-orthodoxes ont violemment harcelé les membres de ce mouvement.

Des réactions qui ont tardé à venir…

« De nombreuses personnes présentes aux offices de prière se sont dites choquées par la passivité de la police ce jour-là et ont exprimé leur déception face au silence affiché par la plupart des responsables politiques israéliens suite à cet incident », a rapporté le Times of Israel.

Le rabbin du mur Occidental Shmuel Rabinovitch ne s’est prononcé que le 7 juillet, une semaine après les faits. « La violence verbale et physique qui éclate dans les rangs de ceux qui viennent prier au mur Occidental, issus de divers groupes extrémistes, profane le nom de Dieu, sépare les gens et nuit à la sainteté du site qui unit la nation juive et la communauté juive mondiale », a-t-il déclaré.

Avant d’appeler « toutes les parties à régler leurs différends et réprimer les manifestations de violence sur ce site sacré, et à protéger le mur Occidental dans sa sainteté, symbole du patrimoine et de la tradition juifs ». Après une semaine de silence, le Premier minsitre, Yaïr Lapid, a condamné les troubles dans une réponse à une question de la presse, lors de sa visite diplomatique en France.

Sauf du côté des mouvements non orthodoxes du judaïsme

A la lumière des deux incidents d’il y a 15 jours, les courants non orthodoxes du judaïsme (les réformés comme les conservateurs) au premier rang desquels on compte les organisations américaines et internationales, ainsi que le mouvement des « Femmes du mur », ont multiplié les appels à la reconnaissance de leurs droits sur le lieu saint et à renforcer la sécurité dans la section égalitaire. 

Et le 12 juillet, le Conseil des gouverneurs de l’Agence juive – l’organe para-national chargé de l’immigration juive en Israël – a adopté à l’unanimité une résolution qualifiant la manifestation d’ « ignoble », et demandé « aux ministères concernés d’œuvrer pour que de telles perturbations cessent immédiatement ». La résolution a été votée avec les voix de membres orthodoxes et haredim dont celle d’un rabbin ultra-orthodoxe qui a pourtant déjà soutenu dans le passé des manifestations contre les « Femmes du mur ».

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La résolution appelle l’Agence juive à discuter de la question avec des représentants du gouvernement israélien, à recueillir l’opinion publique israélienne sur la question, et à identifier « les actions qui peuvent être prises ». La résolution stipule également que « l’Agence juive élaborera, approuvera et mettra en œuvre rapidement un plan de travail détaillé pour les actions susmentionnées ».

Il y a plusieurs années, l’Agence juive et son président de l’époque, Natan Sharansky, ont joué un rôle central dans la négociation du compromis du mur Occidental qui donnerait aux juifs non orthodoxes une représentation et un statut officiel dans la gestion du lieu saint. Le gouvernement avait approuvé l’accord en 2016, mais l’a gelé à cause de pressions venant des partenaires ultra-orthodoxes au sein de la coalition alors au pouvoir. Mais le dégel n’est pas pour maintenant. Rien ne sera adopté avant la formation d’une nouvelle coalition gouvernementale une fois les nouvelles élections législatives prévues à l’automne, passées.

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