La Terre Sainte n’est pas un Dysneyland à thématique religieuse
Non, il ne s’agit pas de « monuments » nationaux ou internationaux, pas davantage d’œuvres « artistiques » ou de bâtiments « archéologiques ». Les Lieux Saints sont des lieux de prière, témoins de la foi. Cela paraît évident mais, malheureusement, cette réalité demande à être réaffirmée avec force et de manière répétée.
Presque partout dans les pays de chrétienté, on a la sensation que trop de lieux sacrés sont aujourd’hui traités comme les « restes » de ce qui fut, d’un « passé » qui donnait un sens aux magnifiques réalisations architecturales, musicales, picturales et de sculpture, les maîtres-autels, les parements, les reliquaires et les crucifix. Aujourd’hui en revanche, ils n’auraient comme finalité qu’une simple jouissance esthétique, presque comme s’ils pouvaient être comparés aux monuments de l’antiquité gréco-romaine. Parfois, dans les temples de la chrétienté, il arrive de ne pas voir un seul prêtre, mais seulement des groupes de touristes et leurs guides érudits qui parlent de styles et d’écoles, d’œuvres « authentiques » et « copiées », du roman, du gothique ou du baroque…
La tristesse dans le cœur du croyant devant ce spectacle ne peut être comparée qu’à l’expérience des messes polyphoniques exécutées non plus dans le cadre des actes de culte mais dans les salles de concert. Ou encore à l’indignation résignée d’apprendre que les églises et les monastères ne sont plus des lieux de louange et de sanctification mais des musées, propriété des Etats et de communes, les seuls qui peuvent se permettre de les entretenir, s’étant appropriés depuis longtemps des revenus donnés à l’Eglise pour leur permettre de vivre. Une Eglise qui n’aurait même plus le personnel consacré en nombre suffisant pour desservir ces lieux et y habiter.
Mais il ne doit pas en être ainsi en Terre Sainte. Au moins, pas en Terre Sainte. Ici, les Lieux Saints ne rappellent pas le passage d’un quelque saint local mais les grandes œuvres de Dieu, le Mystère de la Révélation lui-même. Ici, se trouvent les Lieux Saints par excellence. Ici réside l’analogatum princeps de tout lieu sacré c’est-à-dire l’espace devenu occasion de grâce salvifique. Au moins et en tous cas ici, les Lieux Saints doivent être sauvegardés dans leur identité et dans leur mission propre de témoignage et de prière.
Malheureusement, tous ne le comprennent pas ou ne veulent pas le comprendre. Et notre vigilance à nous, Frères mineurs de la Custodie de Terre Sainte, et avec nous, celle des croyants au Christ, doit être continuelle.
Ainsi, l’Etat israélien a-t-il prétendu classer « parc national » le saint Mont Tabor, témoin du Mystère de la Transfiguration, ainsi que la zone de Capharnaüm, la ville de Pierre que Jésus voulut faire sienne. De la même manière, certains voudraient subordonner à l’UNESCO, comme s’il s’agissait de « monuments culturels », ces mêmes Lieux Saints et d’autres encore, alors même que tous sont propriété privée de l’Eglise, achetés au cours des siècles au prix de grands sacrifices et édifiés, gardés et desservis au prix de sacrifices tout aussi grands.
L’Eglise s’y oppose de manière inflexible et s’y opposera toujours. Les ressources mises à disposition par les fidèles du monde catholique dans son ensemble et le dévouement généreux des missionnaires franciscains (et pas seulement d’eux) doivent permettre à l’Eglise d’y pourvoir en toute indépendance. Elle dispose de tout le nécessaire afin qu’au moins ici, les Lieux Saints demeurent ce qu’ils sont : des espaces de rencontre dans le temps avec Celui qui a voulu venir habiter, Lui-aussi, notre dimension spatio-temporelle.
Ce n’est pas que nous ne voulions pas accueillir tous ceux qui désirent visiter ces Lieux consacrés par le Rédempteur de l’humanité. Bien sûr que non. Non seulement nous les accueillons à bras ouverts mais nous les invitons chaleureusement, à condition qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce qu’ils viennent visiter et sur Celui qu’ils viennent rencontrer.
Dernière mise à jour: 20/11/2023 11:21