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La charpente la basilique de la Nativité au crible des analyses scientifiques

Carlo Giorgi
19 décembre 2012
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L'église de la Nativité à Bethléem, vers laquelle convergent les regards du monde entier à l'occasion de Noël, dispose d'une charpente en bois des plus anciennes de la région méditerranéenne. Bien que sa structure architecturale ancienne reste solide, il est nécessaire d'intervenir d'urgence pour réduire les éventuels dommages en cas de tremblement de terre. Voici quelques-unes des principales conclusions de l'étude publiée dans le dernier numéro de la Revue du patrimoine culturel.


(Milan) – L’église de la Nativité à Bethléem, vers laquelle convergent les regards du monde entier à l’occasion de Noël, dispose d’une charpente en bois des plus anciennes de la région méditerranéenne. Elle a été installée sans aucun doute au VIe siècle après J.-C. et, bien que sa structure architecturale ancienne reste solide, il est nécessaire d’intervenir d’urgence pour réduire les éventuels dommages en cas de tremblement de terre. Voici quelques-unes des principales conclusions de l’étude publiée dans le dernier numéro de la Revue du patrimoine culturel, revue scientifique britannique qui traite spécifiquement de la conservation du patrimoine architectural.

Depuis longtemps, la basilique de la Nativité attendait une restauration générale. Celle-ci commencera probablement au printemps prochain. En vue de ces travaux, l’Autorité palestinienne avait encouragé en 2009 une recherche scientifique qui permettrait une meilleure compréhension de l’édifice sacré, d’un point de vue archéologique, structurel, décoratif, historico-philologique et fonctionnel. Les recherches ont été menées entre le mois de septembre 2010 et le début de l’année 2011 par une équipe internationale d’experts dirigée par le professeur Claudio Alessandri, coordinateur général du projet et professeur au département de l’ingénierie l’Université de Ferrare en accord avec les franciscains, les grecs orthodoxes et les arméniens, tous trois copropriétaires de la basilique

« Les résultats des recherches, des propositions d’intervention ainsi que les directives et les recommandations techniques fournies ont passé avec succès l’examen de la commission en charge du contrôle et l’examen de la plus haute autorité des organismes internationaux comme celui du Centre international pour l’étude de la conservation et la restauration des biens culturels (ICCROM) – explique Alessandri. Ces résultats sont une référence essentielle pour toute intervention future pour la conservation et la restauration, quels que soient l’entreprise ou les professionnels en charge de son exécution. »

Parmi les découvertes d’ordre historique, la datation de la structure en bois, étude réalisée par IVALSA (Institut d’évaluation des espèces d’arbres du Conseil national italien de la recherche, CNR) est à souligner. Les poutres en bois du toit de la basilique ont subi une analyse dendrochronologique afin de déterminer leur âge et l’origine des matériaux. On a ainsi découvert que le bois pouvait appartenir à cinq catégories différentes, en fonction de l’époque durant laquelle il avait été coupé et utilisé pour les restaurations successives de la basilique : le groupe le plus ancien comprendrait des poutres de cèdre datant du VIe et du VIIe siècles. Ce serait plus précisément du bois byzantin utilisé pour la reconstruction de la basilique constantinienne détruite par un incendie lors de la révolte samaritaine de 529.

D’autres données concernent l’origine des matériaux: « Nous avons trouvé trois essences différentes : du cèdre, du mélèze et du chêne, explique le Dr Maura-Bernabei du CNR, l’un des plus grands experts internationaux de dendrochronologie -. Le cèdre et le chêne sont des arbres que l’on trouve au Moyen-Orient et, par conséquent, il est facile d’imaginer qu’on a utilisé des forêts proches pour la construction de la basilique de Bethléem. Mais le mélèze ne pousse pas dans cette zone géographique ! Sa présence est inexplicable. C’est l’analyse dendrochronologique qui a révélé l’énigme : nous pensons qu’il s’agit d’arbres du début du XVe siècle en provenance des Alpes orientales italiennes ». Mais qui, au XVe siècle, aurait pensé à aller jusqu’en Italie pour trouver du bois pour restaurer une basilique de Palestine ? «C’était très émouvant de retrouver dans des documents anciens la confirmation de notre recherche scientifique – explique Bernabei – : ces documents expliquent qu’au XVe siècle, la République de Venise, dont la souveraineté s’étendait alors jusqu’aux Alpes orientales, avait offert le bois nécessaire à la restauration de l’église. » Ainsi, en 1479, après plusieurs décennies de négociations diplomatiques entre les chrétiens et les musulmans, le toit de la basilique avait été rénové.  Une entreprise du duc de Bourgogne Philippe le Bon avait également contribué au financement des travaux et Edouard IV, roi d’Angleterre, avait fait don du plomb utilisé pour la toiture. Le tout sous la supervision du Père Giovanni Tomacelli, alors custode de la Terre Sainte, avec l’approbation du Saint-Siège et celle du sultan al-Ashraf Saif ed-Din Kayetbay.

Un fait étrange: l’origine du bois de chêne, utilisé pour la restauration de 1848 visant à réparer les dommages causés par un terrible tremblement de terre, a été identifiée. Ces poutres en chêne venaient d’une forêt d’Anatolie, probablement la même forêt dont le bois a été utilisé pour construire les petits sanctuaires musulmans situés à côté de la basilique Sainte-Sophie à Istanbul.

«L’administration de la période ottomane a permis la restauration d’une basilique chrétienne du même bois qui a servi pour des lieux de culte musulmans – conclut Bernabei -, je l’interprète comme un petit signe de dialogue et de paix, liée à l’église de la Nativité … ».

« Nous espérons – conclut le professeur Alessandri – que les études menées jusqu’à présent permettront dès que possible des interventions spécifiques arrêteront enfin, ou du moins ralentiront le processus de dégradation inexorable de l’un des monuments les plus importants de la chrétienté. »

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