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Le Musée palestinien cherche ses collections

Claire Riobé
11 septembre 2020
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Le Musée palestinien cherche ses collections
L’écrivaine et chercheuse Adila Laïdi-Hanieh est arrivée à la tête de l’établissement en 2018.

Adila Laïdi-Hanieh a pris la tête du Musée palestinien en 2018.
L’écrivaine et chercheuse, auteure de Palestine rien ne nous manque ici, revient sur les défis et enjeux de cet établissement à l’identité bien à part, inauguré en 2016.


Celui-là vient de Samia Halaby. Vous la connaissez ?” Assise dans un bureau confortable et lumineux, au rez-de-chaussée du Musée palestinien, Adila Laïdi-Hanieh donne le ton.

Accroché au mur derrière elle, un grand tableau aux couleurs vives de la célèbre peintre palestinienne S. Halaby, partie vivre à New York dans les années 1970. À l’image de l’artiste des centaines de milliers de Palestiniens ont émigré à l’étranger ces dernières années. Et y ont emmené avec eux le patrimoine culturel du pays, aujourd’hui dispersé à travers le monde.

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C’est ce patrimoine que le Musée palestinien, situé à Bir Zeit (10 km au nord de Ramallah, en Cisjordanie) s’est donné pour mission de célébrer et de soutenir, depuis son ouverture en 2016. Dès ses origines l’institution s’est voulue la mémoire vivante de la terre palestinienne, de sa culture et son histoire. Un musée “transnational”, de résistance face à l’occupation subie de l’État israélien.

Vue depuis le jardin botanique du Musée palestinien.© Photos Claire Riobé

 

L’idée était ambitieuse et le projet a convaincu. Le bâtiment de verre et de pierres blanches, entouré d’un jardin botanique et d’oliviers, a été achevé après une vingtaine d’années de travaux. Remportant en 2016 le prix Aga Khan d’architecture, il s’est doté au passage de la jolie somme de 500 000 €. Et depuis ? L’établissement a accueilli des milliers de visiteurs palestiniens comme étrangers, de nombreux étudiants de l’université mitoyenne, ainsi que des touristes, des intellectuels de la région et des classes d’enfants de tous âges.

Dans un souci de se rendre accessible au plus grand nombre, le musée a même mis en place un programme éducatif spécifique pour les enfants, en partenariat avec le ministère palestinien de l’Éducation. “Nous attachons une importance toute particulière à ce que notre musée, et l’art de manière générale, ne soient pas réservés à une certaine disons… élite”, raconte ainsi Adila Laïdi-Hanieh.

 

Une touche féminine

Arrivée à la tête du musée en 2018, Mme Laïdi-Hanieh a peu à peu apporté sa touche féminine à l’établissement. Elle a notamment veillé à ce que les femmes artistes soient tout autant mises en avant que les hommes, dans les collections exposées. Une tâche plutôt aisée, selon elle. “En réalité, les femmes sont très présentes dans l’art palestinien. Alors qu’en Occident, l’art se monnaie et peut être une source de revenus potentiels, la situation est différente dans les pays en voie de développement comme la Palestine. Donc les hommes, qui historiquement étaient ceux qui devaient apporter les moyens de subsistance à leur famille, l’ont délaissé. Ce sont davantage les femmes qui se sont saisies de l’espace vacant, et ont investi le champ de l’art”.

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Recherche de partenariats et de fonds

S’il était en théorie facile pour le musée de mettre à l’honneur les artistes palestiniennes comme palestiniens, encore fallait-il en pratique parvenir à mettre la main sur leurs collections. Et la tâche s’est annoncée plus ardue qu’elle n’en avait l’air.

La raison est double : d’une part, car une grande partie des collections et objets du patrimoine palestinien est éparpillée à l’étranger. Le patrimoine restant est, d’après les mots de Mme Laïdi-Hanieh, “volé par Israël, qui accapare l’héritage d’un territoire qui ne lui appartient pas, en faisant fi des règles élémentaires du droit international”. Ainsi du musée Rockefeller de Jérusalem, né sous le vocable “Musée archéologique de Palestine” et construit en 1938 sous le Mandat britannique. Depuis 2019 une exposition sur la céramique arménienne de Jérusalem, de l’artiste David Ohanessian, y est présentée. “En d’autres circonstances, les œuvres de M. Ohanessian auraient pu être hébergées au Musée palestinien”, explique non sans colère la directrice de la maison. On comprend par ailleurs que toute collaboration culturelle avec des institutions israéliennes soit, à ses yeux, impensable.

D’autre part, car l’établissement “transnational” peine à établir des partenariats avec l’étranger. “Nous cherchons constamment à établir de nouvelles collaborations avec des institutions étrangères, notamment françaises, pour accueillir de nouvelles expositions au sein du musée. Mais ce n’est pas évident”, explique-t-elle. Les institutions culturelles européennes, notamment françaises, traînent ainsi les pieds, refusant de s’investir dans un projet qu’elles considèrent probablement trop politique. Arrive également la question du financement des expositions : “Jusqu’à présent, notre préoccupation principale a été la recherche de fonds. Le Musée palestinien étant sur un territoire occupé, nous recevons peu de soutien financier de la part des autorités”.

Après ces deux années passées à la tête du musée, l’élégante directrice des lieux l’avoue : les défis sont nombreux.

Ainsi après ces deux années passées à la tête du musée, l’élégante directrice des lieux l’avoue : les défis sont nombreux. L’identité bien particulière du lieu, tout comme son caractère indépendant dans la région, rendent sa gestion particulièrement compliquée. Ce dont témoignent les enfilades de salles d’exposition vides, en janvier 2020, que l’on aperçoit depuis le hall d’entrée de l’établissement. “Nous n’avons aucune exposition présentée en ce moment”, explique aux visiteurs le personnel d’accueil, un peu gêné.

 

Projets d’avenir

Et pourtant le Musée palestinien va de l’avant. L’établissement prévoyait d’accueillir trois expositions en 2020. La seconde était prévue au printemps, en partenariat avec le Musée palestinien de Jérusalem Dar al-Tifel al-Arab. Fermé en raison de la crise sanitaire, le musée propose via Internet des conférences variées.

Autre beau projet, la création d’une exposition 3D en réalité virtuelle, à destination de la diaspora palestinienne, ou bien de toute personne intéressée par le patrimoine palestinien, mais “dans l’incapacité de visiter le musée en raison de barrières politiques ou géographiques”. Ladite exposition a déjà été testée au Liban et en Jordanie et pourrait voir le jour entre 2021 et 2022.

 

LE MUSÉE PALESTINIEN EN LIGNE

Les pages à visiter

Le site du musée
www.palmuseum.org

Les archives en ligne
palarchive.org

Expériences palestiniennes
www.paljourneys.org

 

Enfin, aux sous-sols du bâtiment et à l’abri des regards, un grand laboratoire de digitalisation d’archives a vu le jour début 2018. Photos, documents et vidéos datant de l’Empire ottoman et du Mandat britannique sont désormais remis entre les mains d’une équipe formée, puis réparés, digitalisés et mis en ligne sur un site Internet créé pour l’occasion. Fin 2019 le musée a également ouvert le premier studio de conservation de documents papier de Palestine.

 

Si la construction du Musée palestinien est officiellement terminée, l’âme et l’identité des lieux se mettent peu à peu en place. Face à une occupation israélienne constante, l’établissement semble incarner un peu plus chaque jour la résistance palestinienne dans la région.

 


Où l’humour, l’autocritique, la mémoire, la découverte d’identités multiples, la résistance individuelle, entêtée, inscrite dans une pratique quotidienne de liberté sont les nouvelles armes d’un exercice quotidien en dignité. Ce livre est le premier à penser une Palestine contemporaine de manière introspective, pluridisciplinaire et critique, telle que vécue et perçue par des artistes et des intellectuels Palestiniens et non-Palestiniens, internationalement confirmés et émergents, à travers des textes en majorité inédits – dont trois nouveaux textes de Mahmoud Darwich.

Palestine
rien ne nous manque ici, ou La banalité combative

Auteur : Collectif sous la direction d’Adila Laïdi-Hanieh
Éditeur : Cercle d’Art
Collection : Revue Ah !
ISBN : 97 82 70 22 08 854
374 p. Date de publication : 2008

Adila Laïdi-Hanieh est écrivaine et chercheuse, spécialisée dans les arts et les pratiques culturelles de Palestine, la pensée arabe moderne et les processus culturels. Elle a publié en 2017 la biographie artistique de la peintre moderniste turque Fahrelnissa Zeid, membre de la nouvelle École de Paris
après-guerre : Fahrelnissa Zeid.
Painter of Inner Worlds.

Dernière mise à jour: 11/03/2024 11:09

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