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Inédit : une cité néolithique mise au jour près de Jérusalem

Christophe Lafontaine
17 juillet 2019
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La découverte d’un important village vieux de 9 000 ans à Motza, montre une spécialisation en agriculture et élevage d’ovins. Signe d’une société néolithique à son apogée dans une région jusque-là ignorée.


« C’est la première fois en Israël qu’un site de cette ampleur datant de la période néolithique est découvert », ont déclaré Hamoudi Khalaily et Jacob Vardi, directeurs des fouilles qui ont eu lieu à Motza, à 5 km au nord-ouest de Jérusalem. Et avec une superficie d’environ 4 000 m2, ce serait aussi, d’après eux, l’un des plus étendus dans la région et même du monde. Travaillant pour le compte de l’Autorité des Antiquités d’Israël (AAI), les deux archéologues n’ont pas hésité à partager leur émotion dans un communiqué de l’institution publié hier soulignant que simultanément, « au moins 2 000 – 3 000 résidents vivaient ici – un ordre de grandeur comparable à celui d’une ville d’aujourd’hui ! » Selon les normes du néolithique, il s’agissait d’une véritable métropole. C’était il y a 9 000 ans, à l’Age de pierre.

Les fouilles ont mis au jour de grands bâtiments d’habitation avec parfois des sols en plâtre, des installations publiques, des espaces dédiés aux cultes, et des sépultures. Entre les bâtiments, des allées ont été dégagées, témoignant d’un niveau de planification architecturale et urbaine avancé et aéré. Les habitants n’ayant donc probablement pas eu recours à des échelles pour sortir de maisons serrées les unes à côté des autres comme c’est le cas à Çatal Höyük (Turquie), l’un des plus grands sites connus du Néolithique du Proche-Orient, fondé à la fin du VIIIème millénaire av. J.-C. Selon Haaretz, les maisons du site de Motza étaient « construites en briques de terre qui se sont désintégrées depuis longtemps, mais les fondations de la construction en grosses briques de pierre sont encore visibles. »

C’est à l’occasion d’importants travaux routiers qu’a eu lieu la découverte. Et c’est pour cette raison que le projet a été initié et financé par la société Israel National Transport Infrastructure Company – Netivei Israel

Un « big bang » pour la recherche néolithique au Moyen-Orient

Selon des chercheurs, la découverte du site de Motza suscite déjà « un intérêt considérable dans le monde scientifique », modifiant radicalement les connaissances acquises sur le néolithique dans cette région. Car « jusqu’ici, expliquent les archéologues, on croyait que la Judée était vide et que des sites de cette taille n’existaient que sur l’autre rive du Jourdain ou au nord du Levant. Au lieu d’une zone inhabitée de cette époque, nous avons trouvé un site complexe, où existaient divers moyens de subsistance économiques, le tout à quelques dizaines de centimètres de la surface du sol. » Jacob Vardi en vient même jusqu’à parler dans les médias israéliens d’un « big bang » pour la recherche néolithique au Moyen-Orient.

En soi, il est logique que ce territoire ait été peuplée, car la vallée dans laquelle il se trouve – renfermant l’ancienne voie qui menait de la région de la Shéphélah (centre-sud d’Israël) à Jérusalem – offre des conditions fertiles le long des rives de la rivière Sorek, avec un accès facile à des sources d’eau douce. « Ces conditions optimales sont l’une des principales raisons d’un peuplement à long terme sur ce site, de la période épipaléolithique, il y a environ 20 000 ans, à nos jours », explique le communiqué de presse de l’AAI.

Des milliers de pointes de flèches, des bijoux et des petites figurines…

Le village est caractéristique de la période néolithique qui a vu de profondes mutations techniques (outils en pierre polie) et sociales, avec l’apparition d’un modèle de subsistance fondé non plus sur la chasse et la cueillette mais en domestiquant les plantes et les animaux, impliquant généralement moins de migrations et donc plus de sédentarisation.

Comme en témoignent de nombreux objets, les habitants préhistoriques du site de Motza entretenaient des relations commerciales et culturelles avec de nombreuses populations, notamment de l’Anatolie, de l’Egypte et de la Syrie.

Les chercheurs ont ainsi mis à jour des lieux de sépultures qui se trouvaient « dans et entre les maisons » dans lesquels différentes offrandes funéraires (outils utiles ou précieux) ont été placées, censés servir les morts dans le monde futur. Comme par exemple des objets en obsidienne (verre volcanique noir) en provenance d’Anatolie et des coquillages dont certains provenaient de la mer Méditerranée et d’autres de la mer Rouge.

Les archéologues ont aussi mis la main sur des bracelets en calcaire de différents styles confectionnés à la main et sans doute portés par des enfants, vu leur taille. D’autres bracelets en nacre ont été retrouvés ainsi que des perles en albâtre de 2,5 cm de long (venant probablement de l’Egypte ancienne voisine) ou des médaillons eux aussi en nacre.  Le butin comprend aussi un bol en serpentine (pierre du nord de la Syrie) et des figurines en argile anthropomorphes et zoomorphes dont l’une de la taille d’un doigt représente un bœuf (certainement domestiqué à cette époque) et l’autre un visage humain. Peut-être est-ce pour ce dernier artéfact, le signe d’un culte d’ancêtre ou de la vénération d’un leader, s’interroge Haaretz.

… des graines et des os

Les vestiges du village indiquent également la présence d’entrepôts de stockage contenant une très importante quantité de graines de légumineuses (en particulier de lentilles) qui sont parvenues jusqu’à nous dans un bon état de conservation, malgré l’âge du site. « Cette découverte est la preuve d’une pratique intensive de l’agriculture », souligne le communiqué de l’AAI.

En outre, le site regorge d’outils en silex : des milliers de pointes de flèches utilisées pour la chasse et éventuellement le combat, des haches pour abattre des arbres, des faucilles et des lames elles-aussi en obsidienne.

Cependant, des ossements d’animaux domestiqués (caprinés) trouvés sur le site montrent que les habitants du lieu se sont de plus en plus spécialisés dans l’élevage de moutons et de chèvres, au dépend de la chasse qui a progressivement diminué. Pour les chercheurs, tout montre que « la Révolution néolithique a atteint son sommet à cette période-là. »

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