Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Oui, la vie est chère en Israël (et de plus en plus)

Cécile Lemoine
30 janvier 2023
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Oui, la vie est chère en Israël (et de plus en plus)
Scène de la vie courante, Dans certains quartiers on peut voir quotidiennement des personnes chercher dans les containers à ordures de quoi subsister

Cela surprend toujours les pèlerins qui voient dans Jérusalem une ville où tout se marchande ou s’achète à bas prix. Contrairement à de nombreuses idées reçues, le coût de la vie est très élevé en Israël. Et ne cesse d'augmenter.


Les clichés ont la peau dure. Si, dans la tête d’un pèlerin ou d’un touriste, la Terre Sainte, à l’image de la plupart des pays du Moyen-Orient, est une destination peu onéreuse, la réalité est tout autre. La vie est chère en Israël. Plus chère, même, que dans la plupart des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les prix y sont environ 30 % plus élevés que la moyenne relevée dans les pays membres (voir infographie). Quand on regarde du côté des produits laitiers, on parle de prix 60 % à 80 % plus importants.

Les prix israéliens sont en moyenne 30 % plus élevés que les prix français.

En 2021, le magazine The Economist a classé Tel-Aviv “ville la plus chère au monde”, devant Paris, Hong-Kong et New York : les prix de l’immobilier s’y sont envolés ces dernières années, faute de constructions suffisantes et d’une demande toujours croissante.
Ce coût prohibitif de la vie s’explique par les contradictions de l’économie israélienne. Biberonné à l’ultra-libéralisme depuis les années 1980, Israël reste soumis à des entreprises qui jouissent d’une position dominante (monopole ou duopole), et qui fixent unilatéralement les prix. “Par exemple, le marché des produits alimentaires frais est tenu par deux grands groupes, Strauss et Tnouva, qui accaparent 93 % de la production laitière, 95 % du marché des yaourts et 80 % des fromages”, illustre l’économiste franco-israélien Jacques Bendelac.
Les rapports de l’OCDE recommandent régulièrement à Israël l’ouverture à la concurrence étrangère comme remède à la cherté de la vie. “L’organisation préconise notamment une baisse des droits de douanes et des quotas d’importation, poursuit Jacques Bendelac. Ce qui permettrait de faire baisser les prix sur certains marchés de consommation courante comme l’alimentation, l’électroménager et la cosmétique.” À ce coût de la vie déjà élevé s’est greffée cette année une inflation jamais vue en 14 ans : +4,6 % ces 12 derniers mois, selon le Bureau central des statistiques, conséquence de la guerre en Ukraine, des aléas climatiques, et de la spéculation.

 

Dignité des travailleurs locaux

Et les remontées de terrain sont claires : ceux qui subissent l’augmentation du coût de la vie sont les plus défavorisés et la classe moyenne : “Elle a rétréci, passant de 58 % à 48 % de la société, détaille Gilles Darmon, fondateur franco-israélien de Latet. Concrètement cela veut dire que des gens qui ne connaissaient pas forcément la pauvreté ont glissé vers celle-ci.” En 2021, 27,6 % de la population israélienne – soit un citoyen sur quatre – vivait sous le seuil de pauvreté (3 700 shekels ou 938€ par mois), selon le rapport alternatif annuel publié par l’association Latet.
Le tourisme aussi est affecté par cette envolée des prix. “Les prix des hôtels sont devenus fous à Eilat et à Tel-Aviv, à 500€ la nuit au minimum pour un service qui se dégrade continuellement faute de personnel”, dénonce Jacques Benillouche, un Français installé en Israël depuis 2007 et qui commente régulièrement l’actualité israélienne dans les colonnes du Times of Israel.

Le pois chiche quotidien, Toujours plus cher, le falafel qui, en Vieille ville de Jérusalem, se vend maintenant 10 à 12 shekels (3,45€).

Dans la Vieille ville de Jérusalem le sandwich falafel est passé de 10 à 12 shekels (3,45€). “Toutes nos matières premières ont augmenté, justifie Eyad Hidmi, le propriétaire palestinien d’un restaurant situé en face de la porte de Damas. Les gens nous le reprochent, et comparent avec les prix pratiqués dans des villes comme Bethléem ou Ramallah en Cisjordanie, où on se procure les mêmes sandwichs pour 6 ou 9 shekels. Mais on n’a pas le choix, la vie est plus chère à Jérusalem.”
L’industrie du pèlerinage, de plus en plus sensible aux problématiques liées au respect et à la dignité des travailleurs locaux, s’alarme : “Les pèlerins français veulent tout négocier. Ils font partie des nationalités qui dépensent le moins lorsqu’ils sont en voyage, estime une salariée d’une agence de pèlerinage francophone. Il ne faut pas que cela se fasse au détriment des gens qui vivent de leur venue.” ♦

Dernière mise à jour: 22/04/2024 16:37

Sur le même sujet