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“Le Seigneur était là soutenant les murs”

Par Khokaz Mesrob, vicaire de la paroisse Saint-François d’Alep
30 mars 2023
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“Le Seigneur était là soutenant les murs”
Le parking et une partie du terrain de sport du Terra Sancta College, ont vu affluer des voitures devenues l’unique demeure de leurs propriétaires.

Joint par Terre Sainte Magazine, frère Khokaz Mesrob raconte le quotidien des franciscains à Alep en Syrie depuis le tremblement de terre survenu le 6 février.


Le matin du 6 février à 4 h 17, nous avons ressenti un tremblement de terre qui a frappé la ville et fait trembler le couvent de fond en comble. Après cette violence secousse, nous sommes sortis et constations les dommages quand un autre tremblement de terre est survenu, moins fort mais plus long…
Dehors il faisait très froid, moins 5 degrés et il pleuvait. Nous étions devant la porte et les gens ont commencé à accourir au couvent, pour se protéger, dans l’église et dans le couvent. Ils accourraient avec la confiance que l’Église protège et accueille toujours en cas de danger.
Petit à petit, le couvent a commencé à se remplir. Une personne après l’autre, une famille après l’autre. Certains arrivaient pieds nus, beaucoup en pyjama. Certains pleuraient. Alors nous avons ouvert un premier hall, puis un second, plus grand. Nous avons essayé de calmer les gens. La foule grossissait et les répliques s’enchaînaient. Les gens avaient de plus en plus peur.
À 7 h du matin, nous sommes allés à l’église, bien qu’elle ait été endommagée par endroits, et nous avons prié le rosaire, puis nous avons eu la messe.
Après quoi, je suis allé préparer le petit-déjeuner pour tout le monde. Nous sommes allés faire des courses et nous avons fait manger tous ceux qui se présentaient.
À 1 h 30 de l’après-midi, il y a eu un autre tremblement de terre. Après cette secousse, une nouvelle vague de personnes est venue trouver refuge au couvent.
Alors nous avons tout ouvert, les salles de catéchisme, de réunion, tout. Et nous avons commencé à offrir aux gens de la nourriture. Nous distribuions déjà une soupe populaire, nous avons augmenté les quantités et nous avons offert de quoi manger à toutes les personnes présentes.

 

Une si longue journée

Le soir venu, personne ne voulait rentrer chez soi. Il y avait encore des répliques. Nous nous demandions comment nous allions faire. Nous n’avions rien, mais les gens ont dormi sur des chaises. Certains ont apporté quelques couvertures et matelas et 300 personnes ont dormi là tant bien que mal.
Le deuxième jour, tandis que les secousses se faisaient toujours sentir, nous avons compris qu’il fallait organiser un nouveau petit-déjeuner, un nouveau déjeuner, un nouveau dîner. On s’est débrouillé, aucune aide n’arrivait de l’extérieur. On a fait ça ensemble, en église, comme des frères.
Nous avons appelé le Terra Sancta College [un autre couvent franciscain plus au nord dans la ville NDLR], c’était pareil, en pire. Eux ont accueilli 3000 personnes [NDLR les uns dans le collège, les autres dormant dans leurs voitures garées dans la propriété].

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Nous avons fait connaître notre situation et finalement, le troisième jour, de l’aide a commencé à arriver : des couches pour bébés, du lait, des matelas, des couvertures. Le père Bahjat (le supérieur des frères d’Alep NDLR) s’est démené pour contacter les gouvernements, les entreprises susceptibles d’aider, pour répondre aux journalistes et dès qu’il le pouvait, il venait auprès de tous ces gens qui ont besoin de notre présence. De mon côté, je suis occupé à rendre service et à organiser l’installation dans l’abri. Il faut aussi prendre le temps de consoler, soutenir, prier ensemble.
Nous avons passé tout notre temps avec les personnes que nous accueillons au point que les trois premiers jours nous n’avons pas pris le temps de dormir. Nous sommes restés auprès de ceux qui avaient peur parce qu’ils avaient besoin de nous et ne voulaient pas rentrer chez eux.
Après deux, trois jours, de nombreux jeunes ont commencé à venir, à collecter de l’argent, à acheter des vivres – des œufs, des pois chiches, du fromage, du lait – et des biens de première nécessité.
Le groupe de jeunes de la paroisse s’est installé chez nous pour se mettre à notre service, au père Bahjat et à moi, afin d’aider à plein temps. Il s’agit de 30 à 40 jeunes qui ont pris la responsabilité d’organiser l’accueil des réfugiés, enregistrer leurs noms, entendre leurs besoins, les soutenir, faire le tri des dons, distribuer les repas, apporter ce qui manque.
Ils sont debout du matin au soir à servir les gens.

Frère Khokaz, (aussi en photo p. 25), à l’œuvre pour réconforter de toutes sortes de manières.

 

Œuvrer en communauté

Depuis une semaine [ces propos sont recueillis le 15 février NDLR], ils ne sont pas rentrés chez eux, nous aidons ensemble, prions ensemble, travaillons ensemble, dormons au même endroit. Le soir, nous nous réunissons pour faire le point, partager et chercher des solutions.
Tous ensemble, nous sommes devenus une famille et nous tenons à demeurer ensemble, à plaisanter, à rire, à parler, à chanter pour oublier les difficultés et cette détresse et cette peur et cette phobie.
La présence de tous ces jeunes, c’est vraiment une consolation et d’une grande aide. Ils courent ici et là pour faciliter notre travail, pour faire ce qui doit l’être et chaque matin ils mettent de l’ordre et font le ménage. Les réfugiés sont impressionnés par ce service et cette générosité, et l’esprit d’espoir, de prière, de force qui les habite. Après
10 jours, ceux des réfugiés qui ont pu sont rentrés chez eux, les autres sont accueillis au Terra Sancta College.
Nous organisons une nouvelle étape : la reconstruction. Nous avons envoyé des ingénieurs et architectes pour estimer l’état des maisons. Quelle maison doit être abandonnée, laquelle est réparable.
Nous mettons aussi en place un accompagnement psychologique. Beaucoup de gens ont peur de retourner dormir dans leur maison à cause de la persistance des secousses sismiques. C’est comme si vous ne pouviez pas avoir confiance dans votre propre demeure. C’est très angoissant.
Personnellement, je n’ai jamais rien vécu de pareil. Je peux dire que la main de Dieu était avec nous, vraiment, sa miséricorde est grande parce que le pire aurait pu arriver… le pire… le pire.
Mais il nous a tellement soutenus, il nous a protégés, sa main très puissante et très tendre était avec nous et nous sommes en vie grâce à sa miséricorde, parce que ce tremblement de terre était vraiment très puissant. Comment et pourquoi sommes-nous vivants, comment sommes-nous debout ? je ne sais pas. Mais je sais que le Seigneur était là, soutenant les murs. Il était là et avec son amour, sa providence et sa miséricorde, il nous a protégés. ♦

 


La Custodie se mobilise tout entière pour la Syrie

“Mettez à disposition tout ce que vous pouvez”, c’est le mot d’ordre du custode de Terre Sainte, le père Francesco Patton à tous les couvents de Syrie. Les frères sur place n’avaient pas attendu la consigne, mais ils ont eu la confirmation que la Custodie, dont le siège est à Jérusalem, allait se mobiliser pour leur venir en aide. Tout ce qu’elle compte de moyens de communication, d’associations, d’ONG, de partenaires, d’amis sont mobilisés pour lever les fonds nécessaires à venir en aide à toutes les personnes venues trouver refuge dans les couvents jusqu’à Damas pour ceux qui ont pris la route du sud
pour fuir les secousses sismiques.
D’après le custode ce sont maintenant
5000 personnes qu’il faut nourrir chaque jour au Terra Sancta College. Des frères arabophones d’autres couvents de la Custodie sont partis pour la Syrie afin d’aider et de permettre à ceux qui sont sur le pont depuis 10 jours de prendre un peu de repos.
Les deux couvents, situés en plein califat islamique, sont soutenus par l’ONG ATS Pro Terra Sancta. Le frère Luai a témoigné avoir échappé de justesse à l’écroulement de la partie du couvent où il dormait. Il est toujours sur place et aide tant qu’il peut les victimes du village de l’Oronte qui a souffert de très nombreuses destructions et où plusieurs villageois sont morts.
La situation est peu ou prou la même à Lattaquié. Les besoins sont partout. La première chose que les frères de Syrie demandent c’est votre prière. La seconde c’est la levée des sanctions contre la Syrie, alors qu’après 12 ans de guerre l’embargo international les tenaient déjà eux et leurs fidèles dans un très grand dénuement, enfin pour ceux qui le peuvent.
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Dernière mise à jour: 24/04/2024 16:54

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