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Le projet du téléphérique de Jérusalem en suspens

Christophe Lafontaine
7 décembre 2021
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Le projet du téléphérique de Jérusalem en suspens
Si le projet de téléphérique se maintient, la première partie de son trajet vers la vieille ville de Jérusalem passera au-dessus de la vallée de la Géhenne ©Yonatan Sindel/Flash90

Le 28 novembre, en Israël, la Haute Cour de justice a donné 21 jours à l'Etat pour justifier la construction d'un téléphérique vers la vieille ville de Jérusalem. L’actuelle ministre des Transports ne veut pas du projet.



Plus de mal que de bien, c’est en substance ce que pense l’actuelle ministre israélienne des Transports du gouvernement Bennett. « Le téléphérique, a-t-elle soutenu le 26 novembre dernier, n’a pas de rôle de transport important, et les dommages dépasseront les avantages ». Merav Michaeli a en parallèle fait parvenir une lettre à la Haute Cour de Justice israélienne.

Deux jours plus tard, la plus haute instance du système judiciaire du pays devait, lors d’une dernière audience, examiner une série de requêtes déposées par des organisations opposées au projet. Et finalement, la Haute Cour de justice a décidé de donner trois semaines à l’Etat hébreu pour clarifier les fondements du projet controversé concernant la construction d’un téléphérique dont l’objectif serait de transporter 3 000 personnes par heure vers la vieille ville de Jérusalem afin de désengorger le trafic à ses abords.

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Ce projet a été promu par l’Autorité de développement de Jérusalem et le ministère du Tourisme dans le cadre d’un plan d’infrastructure national. C’est ainsi que « l’objection de Michaeli pourrait mettre en danger l’ensemble du projet, car ses orchestrateurs au ministère du Tourisme et à l’Autorité de développement de Jérusalem l’ont défini comme un projet de transport et non comme une attraction touristique », explique le quotidien israélien Haaretz.

« Implications politiques et sécuritaires »

Le projet, approuvé en 2019 par un précédent gouvernement dirigé Benjamin Netanyahu, rencontre depuis le début une vive opposition, tant internationale que locale. Et ce, à cause de son impact sur l’environnement, sur l’horizon historique et architectural de la ville mais aussi en portant atteinte aux Arabes de Jérusalem. De fait, l’ex-maire de Jérusalem, Nir Barkat, n’a jamais caché la teneur idéologique du projet. Désormais député, il a fustigé via Twitter, au lendemain des propos de la ministre des Transports, les prises de positions contre le projet qu’il a initié : « L’opposition au téléphérique est une capitulation face aux menaces des Palestiniens qui veulent empêcher des millions de personnes du monde entier de voir par eux-mêmes le lien du peuple juif avec sa capitale éternelle ».

L’actuelle ministre des Transports estime à rebours qu’« il est nécessaire de prendre dûment en considération les dommages causés au paysage du secteur de la vieille ville et à nos précieux atouts patrimoniaux, ainsi que les implications politiques et sécuritaires de son avancement ». Des paroles qui réjouissent l’ONG israélienne de gauche, Emek Shaveh, qui compte parmi les plus farouches opposants au projet.

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« La ministre des Transports a dit ce que nous disons depuis le début : que le projet de téléphérique de Jérusalem n’est pas un projet de transport et n’est pas une réponse aux problèmes de circulation près de la vieille ville », a déclaré l’ONG citée dans le Jerusalem Post. Dans leur sens, une analyse des données sur le trafic dans ce secteur de la ville, publiée en juillet 2020 indiquait qu’une augmentation de mini-bus serait en réalité un moyen plus rapide et moins cher.

Cette enquête a été réalisée par Gideon Stein, chercheur en chef chez Mobileye, start-up israélienne leader mondial dans les systèmes d’aide à la conduite. Mais ce dernier a communiqué ses résultats en tant que simple citoyen. Son étude s’est basée sur les données GPS des bus urbains de la société Egged.

De l’identité de Jérusalem 

L’ONG Emek Shaveh, craignant en outre la judaïsation du secteur oriental de Jérusalem a également déclaré que le projet de téléphérique « profitera principalement à un groupe d’intérêt puissant (la Fondation Elad) en transportant des milliers de touristes vers son centre [ndlr : Kedem] situé à la Cité de David au détriment de la ville historique et de ses habitants ».

Elad est de fait une ONG israélienne d’ultra-droite ayant pour but de promouvoir et de renforcer l’identité juive de Jérusalem. En plus de gérer le complexe archéologique et touristique de la Cité de David, soutenant que le site se trouve sur l’ancienne cité du roi David, elle œuvre aussi à l’installation de Juifs à Silwan, quartier palestinien de Jérusalem-Est.

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Son complexe touristique Kedem à l’entrée de Silwan serait le point d’arrivée des passagers du téléphérique, au plus proche de la Porte des Immondices menant au Mur occidental. Selon le projet, les cabines suspendues sur câble auraient pour point de départ le complexe culturel de l’ancienne gare ferroviaire de Jérusalem et survoleraient la vallée du Hinnom qui a donné son nom à la Géhenne et qui est déclarée parc naturel. Une station-étape serait établie sur le mont Sion. Le trajet de 1,4 kilomètre s’effectuerait à une hauteur de huit étages, reposant sur une quinzaine de pilonnes.

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