Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Retour sur le synode

Frans Bouwen. M. Afr.
21 novembre 2010
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Le père Frans Bouwen, père Blanc, a vécu le Synode du Moyen Orient en qualité d’expert. Il revient sur l’intuition initiale, l’expérience synodale elle-même certainement décisive pour tous les participants et sur certaines des conclusions atteintes.
Le synode s’est tenu du 10 au 24 octobre 2010 mais ses fruits n’ont pas fini de germer dans un monde arabe en pleine évolution.


Quelques mois après son pèlerinage en Terre Sainte, en mai 2009, le pape Benoît XVI a convoqué une assemblée spéciale du Synode des évêques pour le Moyen-Orient, à Rome, du 10 au 24 octobre 2010. Il voulut ainsi répondre à la demande formulée par plusieurs évêques catholiques de la région, dont il avait pu constater lui-même le bien-fondé au cours de son pèlerinage. Le thème retenu pour ce synode est : « L’Église catholique au Moyen-Orient : communion et témoignage. – ‘La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme’ (Ac 4, 32) ».

L’instabilité politique qui règne au Moyen-Orient depuis un certain nombre d’années, et qui est un terrain fertile pour le développement des extrémismes de tout bord, a fortement fragilisé la présence chrétienne dans cette région. Une détérioration de la situation économique l’accom­pagne un peu partout. Dans de nombreux pays on assiste à une forte émigration des chrétiens vers l’Europe, les Amériques ou l’Australie, au point qu’on commence à se poser des questions sérieuses sur l’avenir de la présence chrétienne au Moyen-Orient, d’autant plus que ce sont souvent les forces vives et jeunes qui partent. À titre d’exemple, en Irak, les chrétiens font l’objet d’exactions, d’enlèvements et d’assassinats, pour divers motifs ; depuis la première guerre du Golfe, en jan­vier 1991, une grande moitié des chrétiens irakiens ont quitté leur pays.

Il était d’une importance vitale que cette situation des chrétiens fasse l’objet d’une réflexion d’ensemble dans l’Église. Toutes les communautés chrétiennes, catholiques et autres, du Moyen-Orient se trouvent affrontées aux mêmes défis ; pour y faire face il est donc primordial qu’elles coordonnent leurs approches et leurs initia­tives. D’où la décision du Pape de réunir les évêques de toutes les Églises catho­li­ques de la région à Rome, autour de lui. Il ne pouvait pas convoquer les évê­ques des Églises non catholiques, mais il a invité ces dernières à envoyer des délégués fraternels ou observateurs. De même un rabbin, venant d’Israël, et deux personnalités musulmanes – l’une sunnite, du Liban, et l’autre chiite, de l’Iran – ont pu s’adresser à l’assemblée. Personnelle­ment j’ai été invité comme expert ou, selon la formule officielle, « aide du secré­taire spécial ».

Un deuxième objectif était de profiter de cette assemblée pour sensibiliser davan­tage l’opinion publique et encourager la solidarité des chrétiens à travers le monde envers les communautés chrétiennes du Moyen-Orient. C’est pour­quoi, quelques représentants des conférences épis­co­pales de divers continents ont également été invités à prendre part au synode.

L’événement du synode

Tous les évêques catholiques du Moyen-Orient, des Églises orientales catholi­ques – arménienne, chaldéenne, copte, maronite, melkite, syriaque – et de l’Église latine, y ont participé. Ils étaient au nombre de 170 environ, entourés d’une trentaine d’experts et d’une vingtaine d’auditeurs, prêtres et laïcs, hommes et femmes. Le pape Benoît XVI a personnellement assisté à plusieurs séances plénières, en particulier aux séances avec interventions libres, mais il n’a jamais pris la parole, sauf pendant les prières qui ouvraient chaque journée.

Les eucharisties solennelles célébrées à la basilique Saint-Pierre, pour l’ouver­ture et la clôture du synode, célébrations présidées par le Pape Benoît XVI lui-même, entouré des représentants de toutes ces Églises portant chacun leurs ornements liturgiques typiques, ont certainement été les moments les plus visibles et les plus forts. Les magnifiques images de ces célébrations, trans­mises par les médias, ont grandement contribué à mieux faire connaître la diversité et les richesses de la présence chrétienne au Moyen-Orient.

Il était d’une importance vitale que la situation des chrétiens du Moyen Orient fasse l’objet d’une réflexion d’ensemble dans l’Église

Au cours des séances du synode, ce qui m’a frappé le plus, c’est l’esprit frater­nel, l’écoute attentive et la franchise de la parole. Aucun problème d’actualité n’a été escamoté : conflit israélo-palestinien, dégradation des conditions socia­les et éco­­no­miques, absence de liber­té, non-respect des droits de l’homme, extré­­mis­mes religieux et autres, relations avec la majorité musulmane, émi­gration des chrétiens, etc. D’autre part, l’archevêque de Dar-es-Salam, le car­dinal Polycarp Pengo, et l’archevêque catholique d’Addis Ababa, Mgr Berha­ne­yesus Souraphiel, ont attiré l’attention sur les nombreux Africains qui partent vers le Moyen-Orient, à la recherche de travail ou de meilleures conditions de vie, et dont la situation est souvent très précaire.

Ces problèmes ont été abordés de différents points de vues, mais c’est toujours l’approche pastorale qui a retenu l’attention avant tout : quels sont les défis pour les Églises ? Comment y faire face ?

L’Espérance l’a emporté

Parfois on aurait pu se sentir submergé par l’impression que les nombreux problèmes rencontrés sont sans solution, mais c’est toujours l’espérance qui l’a emporté, le regard confiant porté sur l’avenir. Cette attitude positive puisait sa force dans le témoignage et la fidélité des générations précédentes de disciples du Christ, de même que dans l’attachement personnel à la foi et à la vocation chrétienne, personnelle et communautaire, dans la région où le christianisme est né.

Après une première semaine passée presque entièrement en séance plénière pour écouter les interventions des membres du synode, des auditeurs et des délégués fraternels, tous les participants étaient répartis dans divers groupes de travail qui devaient dégager les grandes lignes d’orientation pour l’avenir et préparer les « propositions » finales à soumettre au Pape. Comme pour le der­nier synode spécial pour l’Afrique, Benoît XVI a autorisé la publication de ces propositions qui, avec le message adressé au peuple de Dieu, laissent entrevoir l’essentiel de ce qui s’est passé pendant le synode et tracent les grandes orien­tations pour l’avenir.

Que peut-on retenir en priorité de ce synode ?

L’événement en lui-même, à savoir l’expérience des deux semaines vécues ensemble dans l’écoute mutuelle et la fraternité, voilà ce que les participants emporteront en premier lieu quand ils rentreront chez eux.

Dans cette solidarité les évêques ont approfondi leur communion, autour de l’évêque de Rome, et renouvelé leur détermination au service de leurs communautés et de leurs pays. Ils se sont aussi sentis encouragés par les échos suscités par le synode à travers le monde. Transmettre cette expérience, avec les grandes orientations exprimées dans le message et les propositions, ce sera leur première respon­sabilité. On pourra parler de répercussions concrètes de ce synode sur le quotidien seulement dans la mesure où tous, ceux qui ont participé au synode et ceux qui l’ont suivi de loin, saisissent cette occasion pour susciter un nouvel élan dans leur vie personnelle et communautaire, et pour resserrer les liens entre eux et avec les peuples au milieu desquels ils vivent pour édifier ensemble une société ouverte, où la dignité de tous sera reconnue, dans l’égalité des droits et des devoirs.

Ce qui m’a frappé le plus, c’est l’esprit frater­nel, l’écoute attentive et la franchise de la parole.

Dans le message final, les pères du synode décrivent brièvement la situation présente, avec les défis et les attentes, et s’adressent successivement à leurs fidèles au Moyen-Orient et dans l’émigration, aux responsables politiques de leurs pays, aux Églises orthodoxes et aux Communautés ecclésiales de la région, à leurs concitoyens juifs et musulmans et finalement à la communauté internationale. « Nous sommes venus à Rome, nous les patriarches et les évêques catholiques en Orient, avec tous nos patrimoines spirituels, liturgiques, culturels et canoniques, portant dans nos cœurs les soucis de nos peuples et leurs attentes » (n°1). « Aujourd’hui, nous retournons à vous pleins d’espoir, de force et de détermination, portant avec nous le message du synode et ses recom­mandations, afin de les étudier ensemble et de les appliquer dans nos Églises, chacun selon son état. Nous espérons aussi que ce nouvel effort soit œcuménique » (n°12).

Dernière mise à jour: 21/11/2023 12:20

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