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Synode en Terre Sainte: le défi de la rencontre

Cécile Lemoine
28 juin 2022
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Synode en Terre Sainte: le défi de la rencontre
Quarante enfants issus du Vicariat pour les migrants et les demandeurs d'asile, et de la paroisse latine de Saint Sauveur ont partagé une après-midi de jeux pour faire connaissance, dans le cadre du synode, 27 juin ©Cécile Lemoine/TSM

Dépasser la barrière des langues par le jeu pour faire Eglise, tel était l'objectif de l'après-midi inter-culturelle qui a réuni des enfants issus de deux univers bien différents le 27 juin. Une rencontre synodale à l'image de l'Eglise de la Terre Sainte : contrastée et polymorphe.


Pas facile d’avancer à trois jambes quand on parle deux langues différentes. Elaine et Laurette sont accrochées par le pied et peinent à communiquer pour marcher de manière coordonnée, comme le voudraient les règles du jeu.

La première a 13 ans, elle est née en Israël de parents philippins, va à l’école publique israélienne et parle couramment l’hébreu et l’anglais. La seconde a 11 ans, elle est palestinienne, parle arabe, vit et va à l’école à Jérusalem. Deux réalités bien différentes, mais pourtant une chose rapproche les fillettes : leur religion. Elles sont toutes les deux chrétiennes et catholiques.

Et c’est justement pour cultiver ce point commun que, comme Elaine et Laurette, une quarantaine de jeunes ont été réunis dans la salle paroissiale de Saint-Sauveur à Jérusalem, lundi 27 juin, dans le cadre de la démarche synodale initiée par le patriarcat Latin de Jérusalem. La moitié est issue du centre Sainte-Rachel, qui s’occupe des enfants de migrants et de demandeurs d’asile, et l’autre de la paroisse latine de Jérusalem.

Laurette, chrétienne palestinienne à gauche, et Elaine, d’origine Philippine ©Cécile Lemoine/TSM

« Frères et sœurs en Dieu »

Si le concept du synode, ce temps de concertation ouvert par le Pape à l’échelle mondiale, prend peu en Terre Sainte, quelques initiatives montrent un désir d’ouverture et de rapprochement. « Le Pape nous a demandé d’aller à la rencontre de l’autre et cela prend tout son sens à Jérusalem, où l’Eglise est très morcelée, explique soeur Lourdes, missionnaire Combonienne à l’origine de l’initiative. On voulait montrer à ces jeunes que malgré leurs différences, ils sont frères et sœurs en Dieu. Ils ne forment qu’une Eglise. »

« On vit dans la même ville, mais on ne se connaît pas », explique frère Luis, franciscain et vicaire de la paroisse arabe latine de Jérusalem, aux enfants assis autour de lui. « Vous voyez, vous vous êtes installés en fonction de vos ressemblances, lance-t-il en désignant les petits groupes. Philippins d’un côté, Palestiniens de l’autre. C’est normal, mais on va faire les choses un peu différemment aujourd’hui et essayer de communiquer. »

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Et rien de tel que le jeu pour rapprocher des enfants plus intéressés par le fait de se dépenser, que de rester assis à écouter un discours trop théorique. Mais difficile, en deux heures, de briser des barrières déjà très établies. Course en sac, relai… Les mini-jeux s’enchaînent et se transforment en compétition : chaque participant est soutenu par son groupe d’origine. « Je joue avec tout le monde, même avec les arabes », commente Louis, 15 ans, en observant ses camarades du centre Sainte-Rachel sauter avec délectation sur des ballons pour les faire éclater.

Une Eglise mosaïque

« On expérimente, reconnaît père Nikodemus Schnabel. Aller à la rencontre, créer du lien malgré les différences, c’est un défi. » C’est d’autant plus vrai en Terre Sainte, où l’Eglise catholique se compose d’une multitude de réalités et de contrastes, de murs et de fossés, érigés par le contexte géopolitique et les différences de langues.

« Nous vivons dans la même ville mais on ne se connaît pas », expliquent Frère Luis, franciscain et vicaire de la paroisse latine de Saint-Sauveur, et frère Nikodemus, bénédictin et vicaire patriarcal pour la communauté des migrants et des demandeurs d’asile ©Cécile Lemoine/TSM

Les contacts sont quasi inexistants entre la communauté catholique d’expression arabe et celle d’expression hébréophone, dont la charge pastorale est confiée au Vicariat Saint-James. Peu après sa nomination à la tête de patriarcat latin, Mgr Pierbattista Pizzaballa a pris la décision de créer un vicariat distinct pour la communauté des migrants et des demandeurs d’asile, qui rassemble entre 80 et 100 000 personnes, essentiellement des travailleurs migrants dont la moitié sont sans papiers (Philippins, Indiens, Sri Lankais, Africains, etc.) et des demandeurs d’asile (Érythréens et Éthiopie).

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« C’est le vicariat des étrangers, de ceux qui prient dans leur langue maternelle et qu’Israël chercher à chasser. Pour les jeunes issus de ces familles, l’avenir en Israël s’arrête lorsqu’ils atteignent 18 ans. Sans papiers, ils ne peuvent pas entrer à l’armée, ni à l’université », explique Nikodemus Schnabel.

Première du genre, cette après-midi de rencontre devrait faire des émules. Les frères Luis et Nikodemus parlent déjà d’une deuxième édition à destination des adolescents, et de l’envie d’en faire une journée annuelle.

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