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Un colon rêveur et « fou de la paix »

Michaël Blum
9 novembre 2012
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Nahum Patchénik vit sur une colline en Cisjordanie et milite pour la paix avec les Palestiniens. Il a fondé le mouvement Eretz Shalom (Terre de paix) pour faire avancer ses idées, toujours minoritaires dans son voisinage. Portrait.


Une grande kippa tricotée sur la tête, une barbe fournie, des sandales et une chemise à carreaux, Nahum Patchénik a l’allure d’un jeune des collines, ces colons, qui luttent contre les Palestiniens et parfois contre les autorités israéliennes pour conserver la souveraineté israélienne sur la Judée-Samarie (Cisjordanie).

Mais Nahum mène un seul combat : celui du dialogue avec ses voisins.

« Ils ne vont pas partir et nous non plus, nous devons apprendre à vivre ensemble », affirme-t-il, pour expliquer les raisons qui l’ont poussé à créer Eretz Shalom.

Il refuse d’envisager des solutions politiques car son mouvement est juste « un moyen de faire la paix sur le terrain entre hommes de bonne volonté ».

Son père, un rabbin, descendant d’une lignée de rabbins hassidiques et sa mère rescapée de la Shoah ont été parmi les premières familles juives à s’installer à Hébron après la guerre de 1967, avant de partir à Beit El, une colonie religieuse, près de Ramallah.

Engagé dans l’armée une unité d’élite de l’armée, il commence à se poser des questions sur les relations avec les Palestiniens, à la suite de la mort d’une amie de sa mère et de son fils, tués par des tirs palestiniens sur la route menant à la colonie en 1997.

« Je me suis demandé si il n’y avait pas de place pour deux peuples sur cette terre », raconte-t-il, évoquant ce qu’il qualifie de « voyage personnel pour découvrir des valeurs que je ne connaissais pas ».

« J’ai compris que leur liberté dépendait de la mienne et réciproquement », dit-il.

Nahum part vivre en Inde, laisse tomber la pratique religieuse, enseigne le yoga et écrit des poèmes puis décide de revenir en Israël et de s’investir dans le dialogue avec les Palestiniens.

Renforcer la coopération

Ce père de quatre enfants vit aujourd’hui dans un mobile-home à Sdé Boaz, un avant-poste illégal près de Bethléem.

Eretz Shalom n’a que deux ans d’existence mais revendique 1 700 membres dont 150 Palestiniens, qui en majorité veulent garder l’anonymat.

Nahum organise des rencontres interreligieuses, des distributions de colis aux familles pauvres palestiniennes, des manifestations communes avec des Palestiniens contre la construction de la barrière de séparation et des activités partagées.

« Je veux renforcer la coopération entre les deux populations et c’est un combat permanent car ce n’est pas une mince affaire de faire la paix », explique-t-il.

En cas de création d’un État palestinien, il veut des droits pour la minorité juive.

« On me dit que je suis fou, c’est sûrement vrai mais je suis un fou de la paix », ajoute-t-il, un grand sourire aux lèvres.

Parmi ses nombreux projets en cours, « Le champ de Dieu », un terrain loué en commun par des colons et des Palestiniens sur lequel, il veut faire pousser des fruits et des légumes, « les fruits de la paix »…

Fils d’un même père

« Nous voulons affirmer que la terre à laquelle les deux peuples sont attachés appartient à Dieu et qu’en la cultivant ensemble, nous montrons que nous sommes capables de la partager », explique-t-il.

Un des hommes qui l’ont influencé est le rabbin Menahem Froman[1], colon et militant pacifiste depuis des années.

Le rabbin Froman qui entretient des relations avec les dirigeants du Fatah et du Hamas ainsi qu’avec des imams israéliens et palestiniens s’est rendu récemment à Ramallah, à l’invitation de Mahmoud Abbas.

Nahum Patchénik, qui l’a accompagné parle « d’une rencontre importante ».

« Nous devons continuer de dialoguer. C’est avec nos ennemis que nous faisons la paix, pas avec ceux avec qui nous sommes d’accord », explique-t-il.

Ces derniers mois, il s’est rendu dans les mosquées vandalisées par des colons extrémistes et au monastère de Latrun, où des inconnus ont incendié une porte et écrit des graffitis anti-chrétiens sur les murs.

« Nous avons le même père, Abraham, la paix est obligatoire entre enfants du même père », répète-t-il lors des rencontres avec des Palestiniens.

Et si pour beaucoup de gens, la religion est un obstacle à la paix, pour Nahum, c’est le moyen d’y arriver : « Quand je vais dans une mosquée, je crie Allah Akbar (Dieu est grand) pour me rapprocher des musulmans car nous prions le même Dieu, non ? », demande-t-il ingénument.

 


[1] Voir La Terre Sainte 616, Novembre Décembre 2011, Rabbi Froman, le rabbin qui cherche à comprendre les Palestiniens.

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