Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Entre le ciel et la terre, le phylactère…

Par Paul Turban
30 janvier 2019
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Le port des phylactères, de petites boîtes noires tenues par des lanières de cuir, est un commandement dans le judaïsme et un puissant concentré de symboles. Leur confection comme leur port répondent à des règles très élaborées,
issues de la Torah orale.


 

↖ À l’origine des phylactères…
4 passages bibliques sont invoqués pour justifier l’utilisation des phylactères : Shema (Dt 6, 4-9), Vehayah (Dt 11, 13-21), Qadesh (Ex 13, 1-10) et Vehayah (Ex 13, 11-16). Ils traitent des principaux commandements bibliques, respectivement la foi en un Dieu unique, l’assurance de la Terre promise si le peuple respecte la Loi, le souvenir de la sortie d’Égypte et la nécessité de transmettre ces commandements aux enfants via la consécration au Seigneur de tous les mâles premiers-nés. Ils ont pour originalité commune de se conclure par un message de l’ordre de “ce sera pour toi un signe sur ta main, un bandeau sur ton front’’ (Ex 13, 16), dont la tefilline, autre nom du phylactère, est une application littérale.

 

 

↗ La Torah sur la tête et dans le cœur

Ces 4 passages bibliques sont contenus dans les 2 phylactères, sur un seul rouleau de parchemin dans la boîte du bras, sur 4 parchemins différents rangés dans 4 casiers différents dans la boîte frontale.

 

 

↖ Une fabrication ritualisée
La tefilline est entièrement faite de cuir de bovin, de la boîte aux lanières. La partie supérieure est un cube parfait, en un compartiment pour le phylactère du bras et en 4 compartiments pour celui de la tête. Il repose sur un socle dans lequel passe la lanière de cuir.

Sur le boitier du front, la lettre shin ש est représentée avec 3 branches à l’avant, comme sur la photo, et 4 à l’arrière. Les lanières de cuir sont découpées pour former des rubans d’un mètre environ, puis nouées aux boîtiers pour former la lettre daleth ד pour la tête et la lettre yod י pour le bras. Ainsi, les 3 lettres présentes forment un des noms de Dieu,
י ד ש, Shaddai.

 

 

↗ Petite boîte pleine de symboles
Les boîtes, ainsi que la face supérieure du cuir, sont peintes en noir. Selon des sources kabbalistiques le noir, qui est la seule couleur, en physique, à ne renvoyer aucune autre couleur (au contraire, le blanc est le mélange de toutes les couleurs), représente l’unicité de Dieu.
Les rouleaux de parchemins sont ensuite roulés et sertis avec du crin de veau ou de bovin, qui rappelle l’épisode de l’adoration du veau d’or (Ex 32, 1-10) lors de la sortie d’Égypte et symbolise ainsi le souvenir du premier péché du peuple de l’Exode.

 

↘ Porter le phylactère

Alors que des sources antiques rapportent que le phylactère a été porté par certains juifs tout au long de la journée, il n’est plus porté actuellement que pendant la prière du matin. En tant que signe divin, au même titre que la circoncision et le repos de shabbat, il n’est pas porté durant ce dernier dans la plupart des courants du judaïsme, car la multiplication des signes est inconvenante.
De même, il n’est pas porté durant les fêtes chômées. La période de Hol Hamoëd, qui correspond aux jours séparant la Pâque et la fête des Tentes, n’étant seulement qu’à demi chômée, il y a débat sur le droit de porter la tefilline durant cette période.

 

 

↗ Et les femmes ?
Le port du phylactère est prescrit à tous les hommes juifs de plus de 13 ans, âge à partir duquel ils sont soumis au respect de tous les commandements. La question de son utilisation par les femmes divise les différents courants du judaïsme. Si une partie des ultra-orthodoxes l’interdisent, les autres courants du judaïsme considèrent ce commandement comme facultatif, et autorise donc les femmes à porter la tefilline.

 

 

↗ Pensées, émotions et actions

Les phylactères se portent par paire : un sur le biceps gauche (ou le biceps droit pour un gaucher) et l’autre sur la tête.
On commence par mettre le phylactère du bras, en récitant une prière. Ce phylactère représente symboliquement le cœur, siège des émotions. On enroule alors 3 fois la lanière autour du biceps, en passant sur le phylactère afin de former la lettre shin ש qui est l’initiale du nom divin Shaddai. Ensuite, on enroule la lanière 7 fois autour de l’avant-bras, le chiffre 7 ayant plusieurs significations.
Puis, on enroule le reste de la lanière autour de la paume le temps de mettre le phylactère de la tête, qui comporte 4 compartiments. La boîte doit être placée au-dessus du front, entre les yeux, et la lanière doit tomber au-dessus du cou. Selon les courants du judaïsme, on récite alors une nouvelle prière. Cela représente la soumission de la pensée à Dieu. Le nœud, situé au-dessus de la nuque, à la forme de la lettre daleth ד qui symbolise l’humilité.

Enfin, on reprend la lanière du bras pour l’entourer une fois autour de la première phalange du majeur, puis une fois autour de la deuxième phalange, de nouveau une fois autour de la première phalange et enfin autour de la paume le reste de la lanière. Cela symbolise le chemin de l’intention : elle est désirée, pensée et enfin mise en œuvre, le tout dans le respect des préceptes divins.

Dernière mise à jour: 06/03/2024 14:00

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