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Le schtreimel en fait toute une histoire

Par Marie-Armelle Beaulieu
30 juillet 2019
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Le schtreimel en fait toute une histoire

Il fait 30 degrés en moyenne l’été à Jérusalem, qu’à cela ne tienne, les schtreimels, ces impressionnants chapeaux de fourrure que portent certains juifs orthodoxes, seront quand même de sortie.


↗ De l’origine du schtreimel

Au commencement était le froid de l’Est européen où se sont développées les communautés hassidiques (ultra-orthodoxes). Le chapeau de fourrure était d’usage pendant l’hiver. La mode serait venue des tatars : une fourrure autour d’une base de velours. Pourtant, une tradition populaire veut que le schtreimel soit l’interprétation d’un décret royal polonais du XVIIe siècle, imposant aux juifs de porter sur la tête le samedi la queue d’un animal. Il voulait les ridiculiser, les juifs en auraient fait un objet de fierté.
(Cliché colorisé pris à Jérusalem entre 1890 et 1900).

 

↑ Un produit qui suit la mode

Le schtreimel est un assemblage de queues de zibelines, encore que certains utilisent la fourrure d’autres animaux comme la martre ou le renard gris. Sa forme, sa taille correspondent à des codes esthétiques évolutifs. Il fallait dans le passé 10 à 20 queues pour faire un chapeau, on peut aujourd’hui en compter jusqu’à 60. Chaque queue fait de 12 à 25 centimètres de long. Selon le mot d’un connaisseur : “Il y a autant de différences entre un schtreimel vendu il y a 20 ans et un vendu aujourd’hui qu’entre les téléphones portables des années 2000 et le plus performant des smartphones actuels”. Autrefois uniformément noir, on lui autorise aujourd’hui les reflets chatoyants de la fourrure révélés par le travail du “Schtreimel Macher”.

Mon cher chapeau

Etant donné le coût du schtreimel, les propriétaires en prennent un soin particulier. Suivant la qualité de la fourrure et le nombre de queues, le prix varie de 1500 à 7000 euros,
avec une moyenne à 3500 euros. On comprend dès lors que des alternatives en fourrure synthétique soient proposées. Bien que plébiscitée par les puissants courants de défense de la cause animale israéliens, cette alternative n’a pas la cote. Et tandis que les mêmes courants avaient obtenu que soit présenté à la Knesset un projet de loi pour interdire l’importation de fourrure en Israël, les courants orthodoxes se sont battus pour qu’il soit amendé d’un paragraphe exceptant “les chapeaux de fourrure et les produits en fourrure à usage religieux ou traditionnel”. Les puristes estiment que le schtreimel en fourrure synthétique s’apparente au déguisement. L’usage veut que ce soit le père de la mariée qui achète le schtreimel à son gendre.

 

Même pas obligatoire

Il n’y a aucune obligation de nature religieuse à porter un schtreimel, mais il est entré, comme le reste de l’habillement ultra-orthodoxe, dans les usages vestimentaires de la communauté. Et de nombreux symbolismes religieux ont été agrégés à son port. Déjà au XVIIIe siècle, le célèbre rabbin hassidique Pinchas assimilait le schtreimel aux téfilines (voir TSM 660 janv 2019), les boîtes que l’on met sur le front et le bras pour shabbat. Le yiddish s’écrivant avec des lettres hébraïques et ces dernières étant utilisées dans la numérologie, on associe le schtreimel au nombre 13 qui correspond aux 13 attributs de la miséricorde (Dieu) mentionnés à Kippour ; à 18, la valeur numérique du mot vie, à 26 la valeur numérique du tétragramme, YHWH. On y voit aussi la “couronne de shabbat“, puisque ce jour doit être honoré par le port de vêtements spécifiques.

 

Ne pas confondre

A droite un schtreimel, à gauche un spodik. Le spodik est fait d’une unique peau, souvent de renard. L’un et l’autre chapeau distinguaient les différentes communautés originaires d’Europe centrale. Mais au sein d’une même famille on peut voir de nos jours cohabiter les deux sortes. Quoiqu’il en soit l’usage est le même : le chapeau de fourrure est porté par les hommes mariés, le shabbat et les jours de fêtes et pour des cérémonies religieuses festives comme les brit-milot (circoncisions) ou mariages.
Si vous voyez un tout jeune homme avec un chapeau de fourrure, c’est qu’il porte un kolpik, une variante pour les hommes non-mariés et certains rabbins en certaines occasions hors celles déjà citées !

Dernière mise à jour: 02/04/2024 14:07

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