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Le réveil de Massignon

Marie-A. Beaulieu
8 juillet 2020
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Le réveil de Massignon
L’université Al-Azhar avait fait l’honneur à Massignon de pouvoir porter la toge d’étudiant musulman. Ici, en 1909.© Collection Massignon

C’est un savant comme on n’en fait plus. Louis Massignon (1883-1962) a été tour à tour professeur au Collège de France, islamologue, historien, linguiste, sociologue, militaire, écrivain.

Il a connu de Clémenceau à de Gaulle, rencontré trois papes et était lié à celui qui deviendrait Paul VI. C’est à lui que l’on doit sans doute la canonisation prochaine du “frère universel”, parce que c’est à sa demande que René Bazin écrivit Charles de Foucauld – Explorateur au Maroc, ermite au Sahara qui devait populariser le saint du Hoggar.

Dans les années 1920, il compte parmi les pionniers du dialogue avec le judaïsme et l’islam, et sa position jugée alors avant-gardiste irriguera le Concile Vatican II.

L’aisance avec laquelle il passe d’une matière à une autre est déconcertante de facilité et à la fois il n’en impose pas. Peut-être est-ce ce côté aventurier qui le voit explorateur au Maroc, accusé d’espionnage en Irak, rivaliser avec Lawrence d’Arabie ou buvant le thé avec le fils du cheikh de l’université islamique Al-Azhar du Caire dont il est autorisé à porter la toge d’étudiant musulman.

Manoël Pénicaud (CNRS) a voulu nous faire traverser le XXe siècle à travers la trajectoire de vie si riche d’une seule personne. Un être d’exception pourtant tombé dans l’oubli du grand public, peut-être parce que ses textes ne sont pas faciles d’accès.

Mais sa pensée est plus que jamais contemporaine et l’auteur se propose de la ressusciter. D’autant qu’en compagnie de Massignon, on relit non seulement les contradictions, paradoxes et bouleversements du XXe siècle, mais ce qu’il nous a laissé à gérer aujourd’hui avec les notions d’équilibre entre nations, de nationalisme, les questions concrètement liées à l’altérité, sur les réfugiés, et sur la notion d’hospitalité.

Massignon a apporté ses réponses, le livre ne nous les impose pas, mais en bon anthropologue Manoël Pénicaud les éclaire d’un nouveau jour, pour nous croyants, celui de la foi de Louis Massignon qui sera ordonné prêtre dans le rite grec-catholique en 1950.

Il se pourrait qu’en réveillant la mémoire de Massignon, Manoël Pénicaud nous secoue aussi. Un livre à lire.

Dernière mise à jour: 08/03/2024 15:42

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