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Quand la sururbanisation menace les abords de Jérusalem

Christophe Lafontaine
13 janvier 2021
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Quand la sururbanisation menace les abords de Jérusalem
Israelis cool off at the natural spring Ein Lavan (White Spring) on the outskirts of Jerusalem on a hot day on July 4, 2018. Photo by Hadas Parush/Flash90

Le comité d'appel du conseil national de la planification a approuvé le 7 janvier un projet de construction de masse à l’ouest de Jérusalem. Révélant les tensions entre pression démographique et respect environnemental.


L’endroit est des plus bucoliques à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer. Et très caractéristique des paysages méditerranéens des monts de Judée. Reches Lavan, ‘crête blanche’ en français, nommée ainsi pour ses rochers lumineux et calcaires, est l’une de ces zones naturelles. Elle s’étend à 8 kilomètres au sud-ouest du centre de Jérusalem et voit filer entre ses terrasses agricoles et à l’ombre de ses résineux, sources, ruisseaux et bassins naturels. Offrant un riche écosystème entre pins et cyprès qui regorge au printemps de magnifiques fleurs sauvages et où vivent gazelles de montagne, renards ou encore faucons. Mais ce petit paradis de randonnées, de pique-niques, de détente qui fait les délices des habitants de Jérusalem le week-end devrait très bientôt ne plus l’être et être totalement défiguré.

De fait, face à la croissance de la population israélienne, les politiques se doivent de répondre au besoin réel et urgent de solutions de logement supplémentaires. Selon le Bureau central des statistiques en Israël, la population, avec une augmentation de 2% par an, devrait être multipliée par deux d’ici 30 ans, passant de 9 millions à près de 18 millions. Ce qui signifie par exemple que Jérusalem a besoin de 6 000 nouveaux logements par an pour suivre le rythme. C’est ainsi que quatre grands projets de construction viennent d’être approuvés pour la zone de Reches Lavan, le 7 janvier dernier par le comité d’appel du Conseil national de la planification et de la construction en Israël.

« Un mal nécessaire »

En juillet 2019, un appel avait en effet été lancé par plusieurs acteurs contre la décision prise par le Conseil de planification d’approuver ce projet de construction. La plainte avait été déposée auprès de la sous-commission des appels dudit conseil national. L’instance a donc choisi de donner une approbation finale. Rejetant du même coup l’appel et les objections. Le plan est un « mal nécessaire », a déclaré la présidente du comité d’appel qui a exigé que soient examinés les moyens de protéger les sources de Reches Lavan pendant le processus de construction.

Selon les plans, il est envisagé de bâtir sur 1 045 dunams (105 hectares environ) 5 250 logements dans des immeubles pouvant aller de cinq à douze étages, a fait savoir le Times of Israel. Le projet prévoit aussi une station-service, une capacité hôtelière de 300 chambres et la construction d’espaces commerciaux et d’affaires. « Les planificateurs travaillent d’ores et déjà sur une route à quatre voies qui traversera la zone, à l’ouest, dans le cadre d’une future rocade », rajoute le quotidien en ligne.

Le rêve d’un parc national

Selon les opposants au projet, le projet sacrifiera indéniablement et considérablement l’environnement. « Une fois que des dizaines de milliers d’arbres seront abattus, que les sources naturelles seront asséchées et qu’un système écologique sera détruit, il n’y aura pas de retour en arrière », s’émeut ainsi dans le Jerusalem Post, Odelya Robins-Morgenstern, une jeune fille âgée de 17 ans qui est un peu la Greta Thunberg des collines de Jérusalem.  « Une croissance rapide doit être surveillée et calculée de manière responsable », écrit-elle rêvant plutôt de la création d’un parc national « pour faire en sorte que les collines de Jérusalem continuent de prospérer pour les générations futures ».

Le ministre israélien de l’Agriculture, Alon Schuster, a été très clair jeudi dernier. Il a déclaré qu’il n’approuverait pas le déracinement de 11 000 arbres pour construire le quartier. Mais, « il est impossible d’affirmer pour le moment si cette décision pourrait permettre de mettre un terme au projet tout entier », estime le Times of Israel.

Appel à la cour suprême pour un « problème national »

Naomi Tsur, ancienne maire adjointe de Jérusalem, fondatrice de Jerusalem Sustainable (Jérusalem durable) et actuelle présidente du Forum urbain en Israël, n’a pas caché dans Haaretz sa détermination « à continuer et à lutter au nom des collines de Jérusalem » qu’elle considère comme « le poumon vert, source d’oxygène et principal puits de carbone du centre du pays ». Son organisme va faire appel à la Cour suprême car elle considère qu’il s’agit d’un « problème national ». Même combat pour une dizaine de groupes dont l’’association « Sauvez les collines de Jérusalem », la société de la lutte pour une construction saine, la Société pour la protection de la nature en Israël (SPNI) … Cette dernière a d’ailleurs publié en 2019 un rapport qui rassemble les opportunités de construction à l’intérieur des villes, plutôt qu’à l’extérieur.

Beaucoup craignent que les planificateurs après avoir urbanisé Reches Lavan, s’en prennent à d’autres collines les unes après les autres : le mont Harat, Mitzpe Naftoah à Ramot, les flancs du village Ora et un versant de colline situé près de l’hôpital Hadassah Ein Kerem. Beaucoup de voix appellent à développer des zones encore peu peuplées du Néguev et de la Galilée ou à suivre les pistes de la SPNI.

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