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Shnat shmita: les terres au repos pendant un an en Israël

Cécile Lemoine
6 septembre 2021
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Shnat shmita: les terres au repos pendant un an en Israël
Cette année, la terre doit être laissée au repos. Champs colorés dans le kibbutz Nir Yitzhak in Southern Israel, avril 2021 ©Mendy Hechtman/Flash90

Pour laisser la terre se reposer, toute activité agricole est interdite pendant un an en Israël à partir du lundi 6 septembre. Un commandement biblique contraignant qui donne lieu à de nombreuses acrobaties juridiques pour tenter de le contourner.


La nouvelle année juive, qui débute ce lundi 6 septembre, est un peu particulière pour Israël : le pays entre en année de shmita. Tous les sept jours, les hommes et les bêtes sont censés se reposer. Le judaïsme applique le même principe à la terre : tous les sept ans, elle a le droit à son année sabbatique. La loi juive interdit de la cultiver et d’en récolter les fruits. Le commandement, issu de la Torah, ne concerne que la terre d’Israël. L’Etat juif le respecte à l’échelle nationale depuis sa fondation en 1948, ce qui nécessite de nombreux aménagements et autres pirouettes juridiques car c’est tout un pan de l’économie qui se retrouve bouleversé.

Quel est le sens de la shmita ?

On retrouve le commandement de la shmita (« laisser aller » en hébreu), dans le livre de l’Exode. « Plantez votre terre pendant six ans et récoltez ses fruits, mais laissez-la aller le septième et abandonnez-la, afin que les pauvres d’entre vous puissent la manger, et le reste sera mangé par les bêtes des champs. Faites de même avec vos vignes et vos oliveraies » (Exode 23,10-11). Cette année de jachère est aussi celle du remboursement des dettes, selon le Deutéronome. « Ce commandement difficile visait à nous connecter profondément à la terre d’Israël. L’année sabbatique nous enseigne que nous avons le privilège de vivre sur une terre spéciale et sainte », explique le rabbin Zev Whitman sur le site du fonds national juif Keren Kayemeth LeIsrael.

Plantation de clémentines, dans la vallée de Jezreel, mars 2019. ©Anat Hermony/Flash90

« Le commandement tente de répartir plus équitablement le rendement de la terre et sert à réduire les écarts entre riches et pauvres. Il met l’accent sur la confiance en Dieu pour subvenir aux besoins de l’homme. On peut aussi le voir comme un moyen de préserver la terre de manière écologique », indique le site. 

Comment est-elle concrètement observée ?

Parce que le commandement ne s’applique qu’à la terre biblique d’Israël, il est devenu largement théorique une fois que les juifs ont été exilés par l’Empire romain en 136 après J.-C. Les fermiers juifs d’Europe et du Moyen-Orient n’étaient pas obligés de laisser la terre en jachère. C’est quand les juifs ont commencé à s’installer en Palestine et à fonder des kibboutzim dans les années 1880 que la question de la shmita a commencé à se poser… et à poser problème. 

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Pour les agriculteurs qui peinent déjà à faire pousser des fruits et des légumes dans une région aride, arrêter la production pendant un an pourrait être fatal. Et puis comment faire pour se nourrir si rien n’est cultivé ? Pour contourner ce problème, les rabbins ont imaginé un aménagement appelé « heter mechirah », ou permis de vente. Le dispositif permet aux agriculteurs juifs de « vendre » leurs terres à des non-juifs locaux (généralement des Palestiniens) pour un montant symbolique, puis d’embaucher des non-juifs pour effectuer le travail interdit. Parce que la terre n’est plus la leur à proprement parler, ils ne commettent pas de péchés et leurs produits restent casher. L’esquive n’est pas acceptée par les juifs ultra-orthodoxes

Un fermier palestinien au milieu d’une culture de poivrons. Juin 2021 ©Abed Rahim Khatib/Flash90

Autre solution, le Otsar Beit Din. Pendant shmita, les agriculteurs ne sont pas autorisés à vendre leurs récoltes. Mais si les produits ont été plantés l’année qui précède, les gens sont autorisés à les prendre gratuitement. Ainsi, grâce à un mécanisme juridique, un conseil rabbinique embauche des agriculteurs pour récolter les fruits et les légumes qui seront vendus dans une forme de coopérative religieuse. De cette façon, les juifs pratiquants ne paient pas pour le produit lui-même, mais pour le travail du fermier : le produit reste gratuit. Par ailleurs, la shmita ne concerne pas les cultures hors-sol. Les agriculteurs qui laissent réellement leurs terres au repos sont finalement peu nombreux.

Quelles sont les conséquences ?

Tout cela a un coût. Les années de jachère voient la production agricole baisser de 10% à 15%, selon le Plants Production Board, un organisme de promotion de l’agriculture israélienne, tout comme les revenus des agriculteurs. Le gouvernement israélien compense en débloquant de l’argent, comme cette enveloppe de 100 millions de shekels ( 24 millions d’euros) distribuée lors de la précédente shmita, en 2014-2015.

Qui dit moins de production dit aussi plus d’importations, car il faut continuer à nourrir les consommateurs israéliens. Un accord vient d’être signé avec la Jordanie, pour donner la priorité de ses exportations de fruits et légumes à Israël. En 2015, des fraises en provenance de la bande de Gaza étaient même arrivées sur les étales des marchés israéliens, une première en 7 ans, rapporte un journaliste de RFI.

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