
“Moi, Seigneur, je suis ton serviteur privilégié, je me suis opposé tout seul à tous ceux qui s’étaient détournés de toi, et maintenant leurs amis me recherchent pour me tuer”. 1R 19, 10 et 14.
Deux fois de suite, à quelques versets d’intervalle, exactement la même phrase, réponse du prophète Élie à la même question de Dieu “Que fais-tu ici, Élie ?” Cette répétition montre qu’Élie n’a pas avancé. Voyons ce qui l’a mené à cette inertie.
Élie est prophète au temps du roi, Achab (874-853 av. J.-C.), un impie qui néglige le Dieu d’Israël en adorant d’autres dieux. Pour punition Élie lui avait annoncé qu’une longue sécheresse frapperait tout le pays. Pour se mettre lui-même à l’abri de la colère du roi, il se retira dans une région sauvage, au bord d’un petit torrent de montagne outre-Jourdain. Chaque matin et chaque soir il était nourri de galettes de pain et de viande par des corbeaux. Au bout d’un moment ce torrent s’était aussi tari et Élie a traversé tout le nord du pays d’Israël, en évitant de passer par la capitale évidemment, pour se réfugier à Sarepta dans l’actuel Liban sud. Rencontrant une veuve, il lui demanda de l’eau et du pain. Lui donner à boire, elle pouvait la pauvre femme, mais le nourrir, avec quoi ? Il ne lui restait, pour elle et son fils, qu’une poignée de farine et une petite quantité d’huile. Élie la pria de ne pas s’inquiéter et de faire confiance à Dieu. “Jarre de farine ne s’épuisera, cruche d’huile ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur enverra la pluie sur la face de la terre.” Tous trois mangèrent ce maigre repas et, tout le temps qu’Élie demeura hébergé chez cette femme, jamais ils ne manquèrent de farine, ni d’huile, ni d’eau. Dieu a comblé leur confiance.

Un jour le jeune garçon de cette veuve tomba malade et mourut brusquement. C’en était trop pour cette femme déjà éprouvée ; elle éclata en larmes et en colère et reprocha à Élie sa présence inutile, puisqu’il n’avait rien fait pour sauver son fils. Élie prit le garçon mort dans ses bras, il s’isola avec lui dans une pièce de la maison et pria fortement pour que Dieu réveille l’enfant et le ramène à la vie.
Et le miracle se produisit, c’est un enfant vivant qu’Élie rendit à sa mère. Alors elle eut ce magnifique cri de foi : “Je sais que tu es un homme de Dieu et que par toi le Seigneur dit vrai !” -1R 17, 24.
Confrontation au sommet
Il y a maintenant trois ans que la sécheresse s’est étendue sur tout le pays d’Israël et le roi Achab cherche de l’eau par tous les moyens pour sauver son peuple et le bétail de la famine. Il fait appeler son gestionnaire Obadyahu, un homme très pieux, pour voir si des points d’eau ne seraient pas restés inexplorés. En chemin Obadyahu rencontre Élie ; il le reconnaît et prend peur quand Élie lui ordonne de retourner au palais annoncer sa venue ; il se doute que la colère du roi va se déchaîner contre lui, pauvre messager qui n’y peut rien, tellement le roi en veut à ce prophète de malheur. Mais Élie le rassure en lui disant qu’il ira en personne devant Achab. Lorsque le roi et le prophète se retrouvent face à face, Achab traite Élie de “fléau d’Israël !” “C’est toi le fléau d’Israël”, lui rétorque Élie, parce que tu n’obéis pas à Dieu, tu adores des idoles, tu vis dans l’infidélité. Et Élie lance un défi aux prêtres et aux prophètes des faux dieux, en tout quatre cent cinquante !
Achab convoque tout ce monde, les prêtres, les prophètes et le peuple sur un promontoire rocheux, le Carmel, qui domine la Méditerranée au nord d’Israël. Élie leur dit de préparer un autel et un taureau à sacrifier et d’invoquer leurs dieux pour voir s’ils seront capables d’allumer un feu pour brûler l’animal dépecé. Tous les prêtres et les prophètes idolâtres se mettent à crier au ciel, mais rien ne se passe, nul feu ne traverse le ciel. Élie se moque : “Vos dieux sont en voyage, ils dorment, ils n’entendent rien !” Les idoles appelées à grands cris restent sourdes.

qui le ravitaillent chaque jour.
Ain Karem, St. Jean du Désert. © Nadim Asfour/CTS
Élie bâtit lui aussi un autel avec douze pierres, “selon le nombre des tribus de Jacob” -1R 18, 31- sur lequel il empile des fagots de bois et un taureau immolé. Enfin il demande que l’on verse d’énormes quantités d’eau sur l’autel et tout autour. Et il prie l’Unique : “Seigneur, Dieu d’Abraham, d’Isaac et d’Israël, que tous sachent que tu es notre Dieu, que je suis ton serviteur et que c’est sur ta parole que je fais tout cela. Réponds-moi pour que l’on te reconnaisse comme Dieu en Israël et que nos cœurs soient convertis.” Alors la foudre tomba du ciel sur l’autel d’Élie et dévora les fagots de bois, le taureau coupé en morceaux, la base de l’autel en pierres et même l’eau qui l’entourait. Les gens présents de s’écrier : “C’est notre Seigneur ! c’est notre Dieu !” Élie ordonna instantanément de massacrer tous les prêtres et les prophètes des faux dieux. Est-ce que cela a fait plaisir à Dieu ?
Élie parla ensuite au roi pour lui annoncer qu’après ce coup de tonnerre la pluie tomberait enfin. On voyait déjà un petit nuage monter de la mer. Élie se mit à courir à côté du char du roi Achab jusqu’à la plaine en bas de la montagne du Carmel et la pluie arrosa les champs, les prairies, les chemins et les forêts de tout le pays.
La personne la plus en colère à la suite de ce violent épisode, ce fut Jézabel, la femme du roi ; originaire d’un pays voisin d’Israël, c’est elle qui avait introduit les idoles et les prêtres étrangers. De voir tout son clergé égorgé l’a mise dans une grande fureur et elle voulait absolument se venger. Élie n’avait plus qu’un moyen pour sauver sa peau, fuir vers le sud du pays en empruntant le chemin le plus facile, la vallée du Jourdain et de la mer Morte, où de nombreuses cachettes sont possibles.
Rencontres au désert
Dépassant la ville de Be ‘er-Sheva, Élie s’écroula découragé en plein désert, disant à Dieu qu’il voulait mourir ; d’épuisement il s’endormit. Il fut réveillé par un bédouin du pays qui lui donna une galette et de l’eau, et il se rendormit. Une seconde fois le bédouin lui donna à boire et à manger pour qu’il reprenne des forces. Quand un homme passe comme cela dans notre vie pour nous redonner du courage, pour nous aider à nous relever, on reconnaît que c’est “un ange” qui nous était envoyé : Dieu nous fait croiser des braves gens qui ne supportent pas la détresse d’autrui. Ce repos et le pain eurent un bon effet sur Élie, qui reprit son bâton de marche et s’enfonça dans le désert montagneux du Sinaï jusqu’au lieu où Moïse, il y a bien longtemps, avait eu une vision de Dieu et avait reçu les tables de la Loi. Il lui fallut 40 jours jusqu’à trouver une grotte dans le massif où il put se reposer. C’est à ce moment qu’il entendit Dieu lui demander : “Que fais-tu ici Élie ?” “Moi, Seigneur, je suis ton serviteur privilégié, je me suis opposé tout seul à tous ceux qui s’étaient détournés de toi, et maintenant leurs amis me recherchent pour me tuer”.
Le Seigneur lui dit de sortir de sa grotte pour qu’il voie Dieu passer devant lui. Un ouragan se leva et se déchaîna dans les rochers avec un vacarme épouvantable. Élie pensa : c’est formidable, Dieu va venir, mais Dieu était absent de l’ouragan. Ensuite la terre trembla et Élie pensa encore que Dieu devait bien se manifester dans un tel mouvement sismique. Mais Dieu était absent du tremblement de terre. Ensuite la foudre suivie d’un feu se propagea autour et Élie aurait bien vu Dieu dans cette manifestation brûlante. Mais Dieu était absent du feu. Finalement Élie sentit un léger souffle d’air qui lui caressa la joue et lui fit du bien avec un peu de fraîcheur. Élie comprit enfin que Dieu était présent dans la brise légère, et il tomba à genoux.
Dieu lui redemanda : “Que fais-tu ici Élie ?” Comme Élie répondit exactement la même chose, Dieu lui fit comprendre qu’il était bien orgueilleux de se croire seul à rester fidèle, car au moins sept mille habitants en Israël n’avaient pas été idolâtres. C’est pour le prophète le moment de se choisir un aide et successeur : Élisée.
Alors Élie retourna d’où il était venu, vers le nord du pays, comprenant enfin que Dieu n’approuve pas ces actes violents. Certes le Tout-Puissant a tous les atouts de la nature dans ses mains, mais ce n’est pas par ces moyens-là qu’il règne. Et il se trouve toute une population dans le pays qui est prête à suivre la Loi de Dieu, le peuple n’est pas complètement perdu. L’orgueil d’Élie a fini par tomber. En marchant vers les champs cultivés il rencontre Élisée qui laboure sa terre. Il dépose sur ses épaules son manteau, geste qui permettait de désigner un successeur, de lui confier une mission. Élisée comprend le geste, il sacrifie ses bœufs, il prend un dernier repas avec sa famille et il se met à marcher derrière Élie.
Ultime forfait
Un peu après cela le roi Achab, qui lui n’a pas compris la leçon de Dieu, jette un œil envieux sur une belle parcelle de vigne à côté de sa maison de campagne. Il va voir le propriétaire du terrain, Nabot, et lui propose d’acheter sa vigne. Mais Nabot refuse de vendre une terre qui lui vient de ses ancêtres. Cela ne plaît pas au roi qui rentre bouder dans son palais. Sa femme, Jézabel, quand elle est au courant de ce qui a contrarié son mari, manigance pour que Nabot soit accusé à tort d’une chose qu’il n’a pas commise, qu’il soit jugé par des corrompus et éliminé rapidement. De cette façon le roi pourra prendre, même sans payer, la vigne qu’il veut pour agrandir sa propriété !
Le pauvre innocent Nabot est tué, personne n’a pris sa défense. Mais des gens avertissent Élie qui, toujours aussi pugnace, va en faire le reproche à Achab ; il le traite de voleur et d’assassin et lui prédit une mort épouvantable. Achab demande pardon à Dieu, il jeûne et il prie. Alors Dieu lui pardonne, mais Élie annonce au roi que, si lui a la vie sauve pour l’instant, le désastre tombera sur son fils Ochozias, sa royauté sera renversée.
Succession assurée
Au moment de finir sa vie, le vieux prophète descendit avec Élisée par la région montagneuse au centre du pays vers Béthel et Jéricho, et s’approcha du Jourdain. Devant lui le fleuve se sépara en deux, comme la mer Rouge le jour où les Hébreux avaient fui devant les Égyptiens et que Moïse avait levé son bâton sur la mer. À ce moment un char céleste rouge feu les rejoignit et Élie fut emmené au ciel. Élisée ne put que le voir s’envoler et disparaître. Emportant le manteau d’Élie, il reprit la mission à sa suite.
Dernière mise à jour: 09/07/2025 15:53