Il ne s’agit pas de n’importe quel messie mais de Yeshoua
C’est à Yad Hashmona que l’on rencontre Gershon Nerel. Ce moshav, ou village coopératif, est situé entre Jérusalem et Tel Aviv, non loin d’Abu Gosh. Fondé en 1974 par des chrétiens protestants finlandais ayant vécu des expériences en kibboutz, il a rapidement accueilli des Israéliens juifs messianiques. Ceux-ci y sont toujours et désormais majoritaires. Dès le début, Gershon Nerel, historien et guide touristique, marque la différence : “Plutôt que d’employer le terme juif messianique, je préfère parler de “juif croyant en Yeshoua”. Car il ne s’agit pas de n’importe quel messie mais de Yeshoua, Fils de Dieu, créateur de l’univers, assis à la droite du trône du Père. Et j’attends son retour en ce monde.”
Élevé dans une famille juive laïque, Gershon découvrit le Christ à l’adolescence. Habitant à Beer Sheva, dans le désert du Néguev, il fut touché par les témoignages de protestants américains dans les années 1960. Sa participation à la guerre de Kippour – à la fin de son service militaire – le convainquit de l’importance d’accepter pleinement Jésus comme son Sauveur personnel. “En hébreu, Yeshoua signifie salut. Pendant longtemps, les Israéliens employaient plutôt le terme Yeshou, qui n’a aucune signification et qui était devenu presque une insulte.”
Identité juive
En écoutant Gershon, on perçoit des similitudes entre ces juifs croyants en Yeshoua et les chrétiens, qui tous fondent leur foi sur le Christ. Quelle est alors la différence entre ces deux voies ? L’attachement à l’identité juive en est une : “Je n’ai personnellement jamais voulu me convertir au christianisme. Dans la compréhension collective juive de l’Histoire, rejoindre la chrétienté c’est en quelque sorte devenir un traître, renier son identité. Les chrétiens ont tant persécuté les juifs : baptêmes et conversions forcés, interdiction de la circoncision ou du respect de shabbat, abandon des noms juifs… Les Croisades, l’Inquisition et l’Holocauste ont fait beaucoup de dégâts.” Tous les juifs messianiques, malgré leur grande diversité, y sont sensibles : “Nous conservons le shabbat, le calendrier juif avec notamment la commémoration de Pessah – la Pâque juive – et la circoncision. Nous les gardons non pas pour notre salut mais en signe de notre identité juive, de l’alliance entre Dieu et Abraham.”
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L’autre différence essentielle est l’indépendance par rapport à la tradition ecclésiale forgée au fil des siècles. Gershon en témoigne : “Quand j’ai décidé d’être baptisé, je suis allé dans la Mer de Galilée, sans me lier à une Église officielle. Je préfère vivre ma foi d’une façon ouverte, recevoir les enseignements du Seigneur directement en hébreu par la Bible et avec l’action de l’Esprit saint. Je ne veux pas être assujetti à des traditions d’Église.”
Ainsi, il n’y a pas un judaïsme messianique en Israël, mais une multitude. “Nous sommes très fragmentés, sur le modèle du protestantisme ou du judaïsme. C’est le reflet de ce pays, qui est une mosaïque composée de communautés variées” explique-t-il encore. Selon les estimations, ils seraient entre 10 000 et 15 000, répartis en plus de 120 groupes ou communautés. Certaines sont charismatiques, avec beaucoup de louange, de musique et de miracles. D’autres se consacrent davantage à l’étude et à l’enseignement.
Trouver leur place dans la société israélienne semble être l’une des difficultés rencontrées par les juifs croyants en Yeshoua. Ni complètement chrétiens ni complètement juifs, ils ont parfois du mal à être acceptés par les croyants de ces deux religions.
Fragmentation
“Les membres des communautés chrétiennes sont suspicieux : si nous ne sommes pas complètement anglican/luthérien/baptiste, alors que sommes-nous ? Croire en Yeshoua n’est pas suffisant, les gens ont souvent besoin de catégories nettes”. Et pour Israël, ils ne sont plus juifs dès lors qu’ils confessent ouvertement croire en Jésus. “Lorsque nous habitions dans la banlieue de Tel-Aviv avec ma femme, je ne partageais pas ma foi. Nous ne vivions pas cachés, mais ce n’était pas une chose publique. C’est pour pouvoir faire partie d’une communauté où nous pouvons en parler naturellement que nous sommes venus nous installer à Yad Hashmona. Et surtout nous pouvons témoigner plus facilement. Mais je pense que la situation des juifs croyants en Yeshoua dans la société israélienne a évolué ces dernières années, en mieux.”
Preuve de la fragmentation des juifs croyants en Yeshoua, il existe deux communautés différentes à Yad Hashmona, où habitent environ 150 personnes. Ils sont divisés au niveau théologique, particulièrement sur l’identité du Messie. “Dans mon groupe, nous croyons qu’il est seulement Fils de Dieu et non pas un être humain ordinaire” affirme Gershon. Une vision opposée à celle de la majorité des juifs messianiques et de l’Église catholique, pour qui le Christ est à la fois vrai homme et vrai Dieu. Son groupe se rassemble tous les samedis après-midi pour une heure trente de prières, d’études et de chant.
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Un formateur donne des explications sur les Écritures. “Nous nous concentrons principalement sur les quatre Évangiles et l’Apocalypse. Nous ne voulons pas aller dans des écoles “historiques”, qui nous transmettraient les enseignements traditionnels. Nous ne ferions que répéter ce qu’il y a dans les Églises hébréophones. Nous pensons que nous devons être ouverts à une compréhension juive nouvelle des Écritures, par l’action de l’Esprit saint.” Quand on aborde avec Gershon la question des Palestiniens, notamment chrétiens, c’est l’Israélien qui réagit. La politique semble plus forte qu’une même foi en Jésus Christ. “S’ils acceptent la Bible dans le sens où ils reconnaissent que cette terre a été promise par Dieu à Israël, alors j’ai de l’estime et de l’amour pour eux. Mais beaucoup de chrétiens palestiniens mènent des activités contre Israël” ajoute-t-il.
Israël, instrument de Dieu
Pour lui, la création de l’État d’Israël est un signe du retour prochain du Messie. La vision du prophète Ézéchiel sur les ossements desséchés, revitalisés et destinés à revenir sur la terre d’Israël (Ez 37, 1-14), prophétiserait selon lui la création de l’État d’Israël après la Shoah. “Je mettrai mon esprit en vous” (Ez 37, 14) indiquerait qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de terre, mais surtout d’un rassemblement spirituel encore à venir.
“Je pense que cela va mener aussi à la prophétie de Gog de Magog, renchérit Gershon. C’est dans Zacharie 14 et Ez 38-39 : une coalition de nations se monte contre Israël et Jérusalem. Il ne s’agit pas seulement de faire revenir les juifs, de tout rapporter à Israël. Je ne pense pas que les Israéliens sont une race supérieure. Il ne s’agit pas de racisme, mais d’un plan divin. Israël n’est qu’un instrument de Dieu, pas un idéal en soi. Après les attaques de Gog et Magog, le Seigneur dit qu’il viendra et manifestera sa gloire aux nations. Alors débutera un nouveau royaume, celui du Messie sur terre, l’établissement de son royaume pour mille ans avant la manifestation d’une nouvelle terre, celle dont parle l’Apocalypse (21, 1-2) “Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle – car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n’y en a plus. Et je vis la cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu.””
Autant d’événements que Gershon estime imminents. En s’appuyant sur la parabole du figuier de l’Évangile de Matthieu (Mt 24, 32-36) il voit en l’État d’Israël l’arbre qui fleurit. “Dès que sa ramure devient flexible et que ses feuilles poussent, vous comprenez que l’été est proche. Ainsi vous, lorsque vous verrez tout cela, comprenez qu’il est proche, aux portes. En vérité je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne sera arrivé.” Au cours de la génération suivant la création de l’État d’Israël – une génération actuelle durant environ quatre-vingts ans d’après Gershon – le Messie reviendrait. Le reste de la parabole “Quant à la date de ce jour, et à l’heure,
Dernière mise à jour: 29/12/2023 16:41