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Au commencement était le financement

Texte et photos Amaury Perrachon
30 septembre 2017
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Au commencement était le financement

L’imposante Université hébraïque possède depuis l’an 2000 un Centre pour les études du christianisme directement lié au Département de religions comparées, lui même plus ancien. Guy Stroumsa a été le fondateur et premier directeur de ce centre. Pour Terre Sainte Magazine, il raconte la genèse de ce projet d’étude des idées chrétiennes dans une université publique israélienne.


Au sommet du Mont Scopus, une fois franchies les étapes difficiles du labyrinthe et des escaliers qui mènent au Centre d’Études du christianisme, vous tomberez vite sur ces deux noms exotiques inscrits en lettres de fer dans le mur immaculé : Hubert et Aldegonde Brenninkmeijer-Werhahn. C’est d’abord et avant tout grâce à eux que le centre existe. Couple de chrétiens néerlandais, proches de la Grégorienne de Rome, ils ont permis de lancer en 1999 ce qui n’était alors qu’un vague projet.

Leur soutien financier fut l’élément déclencheur de la création du Centre, immédiatement lié au département des Religions comparées (Department of Comparative Religion), lui-même né en 1956. “Nous, ce qu’on voulait, c’était créer un centre d’histoire des religions, pour l’étude comparée des religions” explique Guy Stroumsa. “Ces gens-là nous ont tout de suite dit “Ça ne nous intéresse pas, nous ce qui nous intéresse c’est le christianisme” alors on a dit “Très bien !””, se rappelle un sourire aux lèvres le fondateur, lui-même spécialiste d’histoire du christianisme ancien et auteur d’une thèse sur la gnose chrétienne.

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Interrogé sur la naissance du centre, ce Français installé depuis 1966 en Israël est clair : “La perspective elle-même n’est pas théologique, à l’Université hébraïque, institution laïque, on veut seulement comparer les religions, les différentes philosophies, l’histoire des religions”. Selon Guy Stroumsa, les études de l’histoire des religions avaient mis du temps à se mettre en place en raison d’un malaise : “Pour les juifs religieux, il était ennuyeux de mettre au même niveau le judaïsme et les autres religions, pour les non-religieux il était ennuyeux de trop s’intéresser aux religions… En outre, l’histoire européenne qui liait juifs et chrétiens était si traumatisante qu’on ne voulait pas ‘’commenter le christianisme’’en tant que juifs”.

 

 

C’est grâce à David Flusser, doctorant en 1957 et se spécialisant alors sur la figure du Christ comme personnage historique, que l’idée d’étudier le christianisme se répand. On estime alors le projet “attirant”, “ésotérique”. Le département des Religions comparées se développe alors et Guy Stroumsa y deviendra étudiant puis enseignant. C’est naturellement vers ce spécialiste des débuts du christianisme, déjà enseignant à l’Université, que se tournent les Brenninkmeijer-Werhahn lorsqu’ils décident de financer le centre au Mont Scopus.

Le christianisme manquait

“Mon idée était que Jérusalem devrait devenir un centre mondial pour l’histoire comparée des religions, surtout des religions abrahamiques, mais pas seulement. Ça n’a jusqu’à présent pas marché, je n’ai pas trouvé le mécène qui finance cette idée, ça viendra peut-être… Ça n’existe nulle part pour l’instant” regrette le chercheur émérite. Il était pour lui évident que ladite Terre Sainte devait être “le” lieu pour s’intéresser aux religions en profondeur. “Depuis longtemps à l’Université hébraïque, on avait de très bonnes études du judaïsme évidemment, et de très bonnes études islamiques, il nous manquait des bonnes études du christianisme (…). Maintenant, depuis une quinzaine d’années, l’histoire du christianisme est un domaine comme les autres, reconnu et attirant ! Nos étudiants étudient l’araméen, le syriaque, le grec, lisent les Pères de l’Église…”, explique fièrement celui qui fonda le CSC et le dirigea pendant quatre ans.

Dernière mise à jour: 25/01/2024 13:27

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