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Pâque juive : des rabbins autorisent les fidèles à échanger par vidéo le soir du Séder

Claire Riobé
1 avril 2020
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Une famille israélienne lors du dîner de Séder, la première nuit de la fête juive de Pessah. Tzur Hadassah, le 10 avril 2017. ©Nati Shohat/Flash 90

Dans le contexte de la crise du coronavirus et du confinement imposé à l’ensemble de la population, plusieurs rabbins séfarades orthodoxes ont exceptionnellement autorisé les fidèles à utiliser l'application Zoom, un logiciel de visioconférence, pour le repas de Pessah (Séder). Explications avec Gabriel Abensour. 


A une semaine de la fête de Pessah, qui débutera le 8 avril prochain, la question était sur toutes les lèvres. Comment les communautés juives organiseront-elles cette année le Séder (repas cérémonial du soir de Pessah), alors que la crise du coronavirus oblige chacun à être confiné chez soi ? Ce Séder qui, une fois dans l’année, met à l’honneur les valeurs de la famille et de la transmission et donne l’occasion aux grands-parents, oncles, tantes et cousins de célébrer leurs retrouvailles ?

“La crise du coronavirus et le confinement posent un réel problème, car Pessah est censée être une fête extrêmement familiale, peut-être la plus familiale du judaïsme. C’est le moment de l’année où la famille élargie se rencontre : il y a souvent jusqu’à trente ou quarante personnes à table. Cette année, beaucoup de personnes vont être seules pour la première fois de leur vie, notamment des grands-parents ou des jeunes enfermés dans leur studio, à l’étranger. Le confinement porte atteinte aux valeurs de la fête elle-même”, explique Gabriel Abensour, chercheur franco-israélien à l’université hébraïque de Jérusalem, et fondateur du blog juif Modern Orthodox.

“Et il faut bien comprendre que dans la tradition juive, les juifs ne doivent pas utiliser l’électricité lors de la fête de Pessah comme les soirs de shabbat. Ils doivent se déconnecter des objets qui les entourent, pour que la fête soit uniquement un moment social, de rencontre avec la famille”.

Face au confinement, Zoom

Après plusieurs semaines de débats, un groupe de rabbins d’origine nord-africaine a finalement publié un responsum (lettre rabbinique, pask en hébreu) le 25 mars dernier, autorisant cette année les personnes isolées et dans le besoin à se connecter à leur famille le soir du Séder, via Zoom ou une autre application de vidéoconférence.

L’annonce a immédiatement fait polémique en Israël, en dehors et au sein du monde rabbinique, les plus conservateurs se demandant si cette décision était réellement en accord avec la loi juive. D’autant plus que le débat amène une autre interrogation, sous-jacente : autorisée dans un cadre et des circonstances exceptionnels, cette mesure ne va-t-elle pas continuer d’être appliquée par les fidèles dans les années à venir ?

 

Un projet « intéressant et courageux »

Le Grand Rabbinat d’Israël (l’autorité suprême du judaïsme dans le pays) s’est ainsi ouvertement opposé à l’autorisation : “La solitude est douloureuse et nous devons trouver une solution, peut-être avec un échange vidéo avant le début de la fête, mais sans transgresser la fête […]”, a-t-il déclaré publiquement. Mais tous ne sont pas du même avis.

“Je trouve personnellement que c’est un projet intéressant et courageux, explique M. Abensour. La tradition juive nord-africaine a toujours été plus souple [que celles d’Europe centrale et du Moyen-Orient] en ce qui concerne l’usage de l’électricité les jours de fête. Et notons bien que ces rabbins l’ont autorisé avec quelques précautions : ils proposent aux juifs de mettre en place leur connexion internet avant la fête, pour éviter de devoir utiliser l’ordinateur pendant la cérémonie elle-même. 

Dans la communauté orthodoxe que je fréquente à Jérusalem, notre rabbin a par exemple annoncé qu’il sera sur Zoom toute la soirée, et les gens pourront le rejoindre ainsi. De mon côté, je ne sais pas encore si je vais le faire : je serai confiné avec ma femme ce soir-là, donc ne serai pas seul. Mais un de mes frères sera peut-être isolé à Paris. Si c’est le cas, nous l’appelerons”.  

De son côté, le premier ministre Benjamin Netanyahu a rappelé, le 30 mars au soir, lors d’une allocution télévisée, que les familles israéliennes ne devaient pas se réunir pour célébrer la fête de Pessah.

Le Grand Rabbinat d’Israël a par ailleurs publié hier, mardi, une liste de directives religieuses qui assouplissent certaines obligations à l’approche de Pessah.

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