Marie-Madeleine: une place de choix au Saint-Sépulcre
Dans la basilique du Saint-Sépulcre, tous les groupes ne prennent pas le temps de visiter l’édifice. La plupart vont à l’essentiel de la dévotion : le Calvaire, le Tombeau vide. Une dizaine d’autres lieux se prêtent pourtant à la dévotion, dont l’espace où la tradition situe l’apparition de Jésus à Marie-Madeleine.
Ce jour-là, la foule est partout dans l’édifice. Devant la sacristie des franciscains, un groupe attend de pouvoir entrer dans une chapelle. Il est en avance. Frère Giuseppe-Maria s’en approche et demande en italien puis en anglais, aux pèlerins polonais, de se pousser. Il faut faire place nette à l’endroit qu’ils occupent. Le groupe ne comprend rien mais obtempère. La haute stature, la carrure et la barbe percée d’un aimable sourire de frère Giuseppe-Maria ont obtenu l’impossible. L’espace s’est vidé.Le groupe grommèle devant la place libre tandis que ses membres se pressent les uns aux autres, quand surgit d’on ne sait où un moine tout de noir vêtu.
Son kamilavkion(1) indique qu’il est grec-orthodoxe. Il traverse le vide d’un pas alerte, se dirige tout droit vers la chapelle du Saint-Sacrement. On entend tintinnabuler les clochettes de son encensoir. Il revient, marque une brève station devant un autel flanqué au mur. S’incline. Encense. Et dans le sens inverse aux aiguilles d’une montre, entame à grandes enjambées une ronde. L’encensoir virevolte autour de l’axe de son coude ne laissant que rarement échapper un nuage parfumé. Il s’en va. A peine a-t-il disparu qu’un autre moine surgit. Celui-là est tout de bleu vêtu. Comme le premier, il porte l’étole des diacres orientaux, l’orarion. Il est arménien. Il fait un tout droit vers la chapelle. Encensoir souffreteux, inclinaison devant l’autel, ronde en suivant les cercles marqués au sol. Lui et le son de ses clochettes disparaissent vers la foule qui patiente autour de l’édicule. Arrive le troisième. Un copte. C’est le même cérémonial que les deux précédents, c’est le même cérémonial que la veille et que le lendemain. C’est aussi le même cérémonial que la nuit. De jour et de nuit, les Eglises orientales procèdent à l’encensement des lieux de vénérations de la basilique, dont celui-ci, l’autel du «Mimou aptou» (2), «Ne me touche pas», comme l’appellent les Grecs, consacré à l’apparition de Jésus à Marie-Madeleine.
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Comme il est d’usage, il y a le lieu de culte, c’est l’autel adossé au mur, et le lieu saint. Ce dernier est délimité au sol par trois cercles noirs concentriques. Le pavement à cet endroit a été refait, dans les années soixante-dix, à l’identique, dans les matériaux et dans les formes géométriques, de la décoration adoptée par les Croisés vers 1140. C’est que la tradition situe ici la rencontre de Jésus avec Marie-Madeleine.
Quelle preuve a-t-on pour dire que c’est ici ? Evidemment pas la moindre du point de vue scientifique. Mais le fait que les différentes confessions chrétiennes, gardiennes du Tombeau, encensent cet autel quotidiennement nuit et jour depuis des siècles, que les Croisés, il y a mille ans, aient marqué au sol ce lieu précis, constituent les indices du faisceau sinon de preuves du moins d’une présomption de tradition locale.
Quant aux franciscains, l’autel de Marie-Madeleine est pour eux un lieu de dévotion avec la treizième station de la procession qu’ils conduisent chaque jour dans la basilique.
En plus d’un hymne propre, la station se termine par cette belle prière : “Dieu qui as chargé Marie-Madeleine d’annoncer à tous la joie pascale de ton Fils unique, nous te prions de faire que par son intercession et son exemple, nous prêchions le Christ vivant et dans ta gloire nous le voyions régner.”
Dans la partie franciscaine un tableau et un bronze illustrent la scène. Mais Marie-Madeleine a été représentée, avec les autres myrophores, les porteuses d’encens, juste au-dessus du lit funéraire de Jésus. Les lampes votives pendues au plafond empêchent aujourd’hui de voir ces fresques. Elle est aussi en icône derrière l’iconostase dans le chœur des grecs-orthodoxes. En dehors de la basilique, mais dans les bâtiments de la paroisse grecque-orthodoxe adjacente, on trouve une colonne votive à l’apôtre des apôtres et une magnifique icône. La porte d’entrée vers cette chapelle, qui donne sur le parvis de la basilique, est ouverte presque chaque matin de 10 h à midi environ, suivant les disponibilités du moukhtar.
Le calendrier julien, célèbre Marie-Madeleine, comme le grégorien à la date du 22 juillet. Dans la tradition orientale, il n’y a jamais eu de confusion entre les Marie, et la sainte originaire de Galilée n’a jamais eu la vie de débauche que l’Occident lui a prêtée. Si le synaxaire (3) de Constantinople la voit bien partir pour la Gaule avec saint Maximin, il la fait en revanche voyager ensuite en égypte, en Phénicie (le Liban actuel), Syrie et Pamphylie avant de finir ses jours à éphèse. Puis il note que ses reliques de la “sainte égale aux apôtres” furent transférées à Constantinople.
Comment démêler l’histoire de la légende, le vrai du faux ? Le seul endroit où la présence et la personne de Marie-Madeleine ne font ni débat ni polémique, c’est l’Anastasis, la basilique de la Résurrection. C’est là que Jésus lui a donné son plus beau rôle : être l’apôtre des apôtres. Et c’est bien en cela qu’elle est et admirable et qui sait, imitable. ♦
L’œuf rouge de Marie-Madeleine
Chaque année, le patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, quand il reçoit les vœux de Pâques des communautés, distribue à ses visiteurs un œuf rouge. Il le fait en souvenir de la résurrection de Jésus certes, mais aussi en souvenir de Marie-Madeleine.
La légende veut en effet que la sainte se soit rendue à Rome pour se plaindre auprès de l’empereur Tibère de l’iniquité du procès de Jésus. Tandis qu’elle lui parlait tenant encore en main son eulogie, un œuf blanc, Tibère, lui répondit : “Il ne peut pas plus être ressuscité que cet œuf ne peut devenir rouge”. C’est alors que l’œuf se teinta d’un rouge sang et Marie-Madeleine s’exclama derechef : “Christ est ressuscité !”.
Évangile selon saint Jean 20, 11-18
L’apparition dans le texte
“Marie Madeleine se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Et en pleurant, elle se pencha vers le tombeau. Elle aperçoit deux anges vêtus de blanc, assis l’un à la tête et l’autre aux pieds, à l’endroit où avait reposé le corps de Jésus. Ils lui demandent : “Femme, pourquoi pleures-tu ?” Elle leur répond : “On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a déposé.” Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Jésus lui dit : “Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?” Le prenant pour le jardinier, elle lui répond : “Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre.” Jésus lui dit alors : “Marie !” S’étant retournée, elle lui dit en hébreu : “Rabbouni !”, c’est-à-dire : Maître. Jésus reprend : “Ne me retiens pas, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.” Marie Madeleine s’en va donc annoncer aux disciples : “J’ai vu le Seigneur !”, et elle raconta ce qu’il lui avait dit. (Jean 20, 11-18).
Dernière mise à jour: 21/05/2024 14:11