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Mise en examen inédite du Premier ministre d’Israël

Christophe Lafontaine
22 novembre 2019
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Mise en examen inédite du Premier ministre d’Israël
Manifestation de soutien au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu devant son domicile après l'annonce de sa mise en examen hier soir. ©Noam Revkin Fenton/FLASH90

Benjamin Netanyahu, le Premier ministre israélien, a été inculpé hier pour corruption, fraude et abus de confiance. Une décision qui intervient alors que le pays attend depuis des mois la formation d’un gouvernement.


Jamais un Premier ministre israélien en fonction n’avait été inculpé jusqu’à présent. A 70 ans, Benjamin Netanyahu, chef du Likoud (droite) et fort du plus long règne pour un chef de gouvernement depuis la naissance de l’Etat hébreu, a en effet été inculpé jeudi soir par le procureur général d’Israël, Avichaï Mandelblit pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois dossiers. Il avait fait part de cette intention en février 2019. Voilà qui est concrétisé.

Le Premier ministre est soupçonné de corruption – dans « l’affaire 4000 » – pour avoir tenté de s’assurer une couverture favorable de la part de Walla, le site d’information du principal groupe de télécommunications israélien, Bezeq, en contrepartie de facilités réglementaires qui pourraient avoir rapporté des millions de dollars à Bezeq. C’est le dossier le plus délicat pour Netanyahu.

Dans l’affaire « 1000 », le Premier ministre est soupçonné d’avoir reçu de luxueux cadeaux de la part de riches hommes d’affaires et personnalités en retour de faveurs financières, personnelles voire politiques.

Et enfin dans l’affaire « 2000 », c’est un accord entre le Premier ministre et le directeur de la publication du journal Yedioth Ahronoth (Ynet)- le plus grand quotidien israélien payant – qui est en cause. Benjamin Netanyahu aurait obtenu une couverture lui étant favorable par ladite publication. En échange le Premier ministre aurait évoqué la possibilité de faire voter une loi qui aurait limité la diffusion d’Israel Hayom, quotidien gratuit, principal concurrent du Yediot Ahronoth.

Benjamin Netanyahu a très vite dénoncé une « tentative de coup d’Etat ». « Je ne laisserai pas le mensonge triompher. Je continuerai à diriger ce pays, conformément à la loi, avec responsabilité, dévouement et par souci pour notre sécurité et notre avenir », a-t-il déclaré. Son grand rival, le centriste Benny Gantz, l’a enjoint à « démissionner ».

La loi israélienne n’oblige pas Netanyahou à démissionner

Cette triple inculpation intervient alors que Benjamin Netanyahu et Benny Gantz ont respectivement tous les deux échoué à former un gouvernement suite aux élections du 17 septembre dernier. Désormais, dans un brouillard inédit, les parlementaires israéliens – élus il y a un peu plus de deux mois – ont trois semaines pour trouver un Premier ministre qui doit recueillir le soutien d’au moins 61 d’entre eux (sur 120). Sous peine de devoir convoquer de nouvelles élections dans les trois mois. Dans ce cadre, les deux challengers arrivés en tête et au coude-à-coude restent dans la course au même titre que les 118 autres députés.

Concernant le cas de Benjamin Netanyahu, la loi israélienne exige seulement qu’un Premier ministre démissionne s’il est reconnu coupable, ainsi il peut demeurer Premier ministre malgré sa mise en examen. Encore faut-il- puisqu’il refuse de se mettre en retrait – qu’il réussisse à rallier à un projet de coalition une majorité de députés de la Knesset (ce qu’il n’est pas arrivé à faire non seulement au scrutin législatif du 17 septembre mais aussi déjà à celui du 9 avril).

Reste à savoir aussi ce que décideront les membres du Likoud dont il est à la tête. Le parti va-t-il organiser des primaires pour élire un nouveau leader ? Et dans ce cas, Benny Gantz œuvrera-t-il avec le nouveau chef de parti pour former une coalition d’union nationale ?

Par ailleurs, Benjamin Netanyahu devrait demander l’immunité parlementaire à la Knesset. Jusqu’en 2005, les législateurs bénéficiaient d’une immunité automatique. Désormais, un parlementaire doit démontrer à ses collègues au Parlement qu’il mérite une immunité de procédure. Mais faute d’accord de coalition depuis les dernières législatives, la commission chargée de se prononcer sur une éventuelle immunité n’a pas encore été nommée…

Tant que cette étape ne sera pas passée, le procureur général d’Israël ne pourra pas officialiser l’inculpation de Benjamin Netanyahu devant le tribunal. Et le pays se dirigeant vers de nouvelles élections, suivies probablement de longues tractations, ce n’est pas pour demain.

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