Des chrétiens tout court
Quelques lecteurs attentifs auront noté que le titre du dossier n’est pas “Aux cotés des chrétiens d’Orient” mais “Aux cotés des chrétiens en Orient”.
Dans le Que sais-je ? sur les chrétiens d’Orient, le professeur Heyberger commence son introduction avec une courte et cinglante diatribe sur la première expression. On apprend sous sa plume que l’expression est très française et liée au XIXe siècle à une volonté expansionniste. Et il a probablement raison.
Dans son Géopolitique des chrétiens d’Orient, Antoine Fleyfel consacre le premier chapitre à définir qui sont les “Chrétiens d’Orient”. Le deuxième paragraphe commence par : “Nous aurions préféré nous passer de l’expression “chrétiens d’Orient”. Et il s’en explique longuement. (Il ne faudra pas manquer la 2e édition de cet ouvrage, mise à jour à paraître en 2022 chez L’Harmattan).
Ce n’est pas le lieu ici d’expliquer ce qui peut ou doit être reproché à l’expression, qui par ailleurs est devenue pratique en France car, pour être triviale, elle “fait vendre” et rend généreux…
Mais parce que Terre Sainte Magazine est écrit de Jérusalem (et environs) et que ses rédacteurs chrétiens vivent leur foi avec les chrétiens de ces terres proche-orientales, nous nous devons de témoigner que pas un seul chrétien ici ne se définit comme “chrétien d’Orient”. Ils sont Palestiniens chrétiens, Libanais chrétiens, Syriens chrétiens etc.
Comme ils sont orthodoxes, catholiques ou protestants ; arméniens, syriaques, coptes, grecs-orthodoxes, latins, maronites, chaldéens, luthériens ou évangéliques ils ont des différences, des divergences, des différends et des disputes. Pourtant ces chrétiens ont aussi appris à cultiver le plus beau des dénominateurs communs : le Christ.
Ils ont un autre point commun : ils sont tous arabophones. Leur arabité, en tant qu’appartenance culturelle au monde arabe, fait l’objet de débats, particulièrement ces dernières années quand l’Occident s’obstine à confondre arabe et musulman.
Avouez que si nous avions écrit “Aux côtés des chrétiens arabes”, votre empathie n’aurait pas été identique. C’est dommage parce que ce sont les mêmes. C’est d’autant plus important d’en prendre conscience que c’est aussi un enjeu pour leur avenir ici, comme l’avait si clairement posé Jean Corbon dans son livre (à lire) L’Église des Arabes. [ Publié pour la première fois en 1977, l’ouvrage a été réédité 30 ans après au Cerf en 2007 tant il reste pertinent ].
Alors comment en définitive convient-il d’appeler ces chrétiens ? Il me souvient qu’enfant, alors que nous étions si fiers de saluer notre voisin par un tonitruant “Bonjour monsieur Touitou”, maman nous répétait : “On dit ‘monsieur’, tout court”.
Alors oui ce sont, et ils se vivent au quotidien comme des chrétiens “tout court”. Mais ils se trouvent aussi, depuis 2000 ans, tenir vivante la flamme de la foi, dans la région depuis laquelle elle s’est répandue ensuite vers le monde. Et nous leur en sommes redevables à jamais, c’est pourquoi ils tiennent une place aussi particulière qu’unique.