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Habib: « En tant que chrétien, je suis en sécurité en Israël »

Cécile Lemoine
14 septembre 2022
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Habib: « En tant que chrétien, je suis en sécurité en Israël »
Habib, dans la petite église catholique de Beer Sheva ©Cécile Lemoine/TSM

Étudiant en chimie âgé de 23 ans, Habib est Arabe israélien et membre de la petite communauté catholique hébréophone de Beer Sheva, ville aux portes du désert du Néguev.


Vous considérez-vous comme proche de l’Église ?

Oui. J’ai la foi, en Jésus, en l’Église. J’essaie d’être aussi impliqué et utile que possible dans la communauté chrétienne de Beer Sheva. Chaque fois que le père Piotr, notre curé, m’appelle, je suis là pour l’aider. J’encadre aussi les groupes de jeunes de la communauté catholique hébréophone. J’ai grandi dans une famille très religieuse. Mes parents viennent de Fassuta, l’un des deux seuls villages 100% chrétien du nord d’Israël. Ils sont venus à Beer Sheva il y a 20 ans parce qu’il y avait plus de travail par ici. Mon père est employé par ICL, une entreprise chimique qui exploite les minéraux de la mer Morte, et ma mère est professeur de mathématiques dans une école arabe d’une ville voisine. Je suis dans cette paroisse depuis l’âge de 7 ans. J’ai presque grandi ici. Je me sens connecté à Jésus ici, alors je continue à venir. 

Pourquoi est-ce si important pour vous de vous engager ?

Parce que je peux le faire. Si quelqu’un me le demande et que je suis disponible et capable d’aider, je le ferai. C’est l’esprit de l’Eglise.

Vous sentez-vous plus proche de la communauté arabophone ou de la communauté hébréophone ?

Je connais beaucoup mieux la messe en hébreu que la messe en arabe à laquelle j’assiste lorsque je retourne dans le village de ma famille pour Pâques et parfois d’autres fêtes. Je ne sais pas vraiment lire l’arabe alors je suis la messe en écoutant. Je ne connais pas non plus toujours les prières, car je les ai apprises en hébreu. Et comme Fassuta est une ville grecque-catholique, nous ne suivons pas le rite latin, auquel je suis habituée à Beer Sheva. 

Avez-vous l’impression que l’Eglise s’occupe de vos problèmes, qu’elle vous parle ?

Je n’ai pas beaucoup de problèmes. C’est une petite communauté ici. A Beer Sheva, les chrétiens qui ne parlent pas hébreu sont plus nombreux que nous. Ils viennent du Sri Lanka, d’Inde, d’Ethiopie, et vont à la messe en anglais, célébrée le samedi. Les familles arabes chrétiennes comme la mienne sont nombreuses, mais la majorité n’ont plus de lien avec l’Église. Nous avons essayé, il y a 5 ou 6 ans, de reconnecter tous les jeunes. Nous étions environ 10, mais maintenant je n’ai des nouvelles que de 3 d’entre eux. On s’entraide mutuellement. Comme dans une famille. Notre prêtre a beaucoup aidé à créer cette atmosphère, qui nous lie même après la messe.

Pensez-vous que ce lien avec l’Eglise s’estompe à cause de l’environnement judéo-israélien dans lequel vous vivez ?

Non, je pense même que c’est le contraire. En Europe, les gens ne croient plus. Ici, presque 80% des gens sont religieux et ont foi en Dieu. J’ai grandi dans une école israélienne, où on m’a appris le judaïsme. Mais j’étais à l’église tous les dimanches, et j’ai eu des cours de catéchisme. Et d’une certaine manière, le christianisme n’est pas si distinct du judaïsme. Il y a beaucoup de liens. Dans mes cours de religion à l’école, nous lisions la Bible. C’est le même livre et le même Dieu pour les deux religions.

Comment vous définissez-vous ?

Je dis que je suis chrétien et Arabe israélien. L’expression “Palestinien vivant en Israël” ne me correspond pas. Je ne peux pas nier que je suis arabe, que je parle la langue, que je viens de cette culture, mais je suis né en Israël. Je suis 100% israélien. J’aime ce pays parce que j’y ai grandi. Ce n’est pas le meilleur pays, beaucoup d’erreurs et de mal y sont faits. Mais c’est mon pays. La plupart des Arabes ne partagent pas mon opinion. Ni même mes parents ou mes sœurs. 

Pourquoi vous sentez-vous si proche d’Israël ?

Parce que je sais ce qui est arrivé aux chrétiens des pays voisins : Liban, Syrie, Irak, Egypte… Ils fuient tous. En Israël, je suis en sécurité. Je peux marcher avec une croix sur la poitrine et rien ne m’arrivera. Quelques juifs s’énerveront peut-être, mais je n’aurais pas l’impression que ma vie est en danger. 

Y a-t-il quelque chose qui vous dérange dans l’Eglise ?

J’ai plutôt l’impression qu’elle essaie d’évoluer avec le XXIe siècle et la société. Ce que j’observe, c’est que de nos jours, il est plus difficile pour les gens de garder la foi. C’est facile de vivre sans la religion. Je ne sais pas si c’est la faute de l’Église ou si c’est simplement la façon dont la société évolue. La religion devient moins importante que la technologie, la science, nous-mêmes… L’Église doit trouver un moyen d’atteindre ces personnes, mais je ne pense pas que cela soit lié à un problème à l’intérieur de l’Église elle-même. 

Quel serait votre rêve pour l’Eglise ?

Si je regarde ma communauté, à Beer Sheva, j’ai vraiment l’impression que nous sommes comme Jésus nous a appris à être : nous nous entraidons, nous prions ensemble. Chaque fois qu’une nouvelle personne arrive, nous essayons de faire en sorte qu’elle se sente la bienvenue. Nous sommes une communauté petite et unique à la fois. Cela nous aide à rester unis.

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