Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Ouverture du tombeau du Christ: quand les mots ne suffisent plus , le récit des témoins

Beatrice Guarrera
30 janvier 2017
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
Ouverture du tombeau du Christ: quand les mots ne suffisent plus , le récit des témoins
Hormis les ouvriers et membres de l’équipe de l’Université Technique d’Athènes, une trentaine de personnes se sont succédées durant les 60 heure qu’a duré l’ouverture. Tous décrivent une expérience très forte ©Gali Tibbon

Un tout petit nombre de religieux ont pu entrer dans le tombeau tandis que le lit funéraire avait été dé-couvert. Terre Sainte Magazine a rencontré certains de ces privilégiés. Pas un d’entre eux n’est sorti comme il était entré.


Ils parlent à voix basse, puis s’arrêtent subitement. Ils regardent vers le ciel comme pour chercher les mots, mais ils n’en trouvent pas. Ceux qui ont vu le tombeau du Christ ouvert ont vécu une expérience unique qui n’est pas simple à raconter. Ce sont des frères, des laïcs, des sœurs, de différentes nationalités. Ce sont des hommes qui se sont retrouvés face au mystère de la Résurrection d’un autre homme, mais qui était aussi Dieu.

A deux autres reprises seulement dans l’histoire on a pu assister au déplacement de la dalle qui recouvre le lit funéraire de Jésus. Ce qui a été vu en 1555 et en 1810 ne peut être lu que dans des écrits du passé ; ce que les témoins ont vécu cette fois, on peut l’entendre directement de leur bouche. Probablement parleront-ils encore longtemps de ces trois jours – les 26, 27 et 28 octobre 2016 – quand l’Histoire s’est inscrite au cœur de leur vie. Certains ont assisté à l’ouverture officielle du mercredi 26, d’autres en revanche se sont rendus au Sépulcre dans les deux jours suivants.

Entré parmi les premiers, accompagnant les chefs des Églises, le vicaire de la Custodie de Terre Sainte, fr. Dobromir Jazstal raconte : “Ce fut sans aucun doute un moment très émouvant : lorsqu’on a soulevé la dalle, chacun cherchait à imaginer ce qui pouvait y avoir en-dessous. Nous ressentions quelque chose de très spécial qui nous ramenait au Christ lui-même”.

Pas assez de mots

Le motif de tant d’émotion est clair pour fr. Dobromir : “Lorsque nous parlons de la Résurrection du Christ, nous disons que des femmes sont allées voir le sépulcre, ou que les apôtres ont vu le tombeau vide, mais aucun d’entre eux n’a été témoin de la Résurrection. L’unique témoin de la Résurrection c’est véritablement ce sépulcre que nous vénérons comme vide”.

De même fr. David Grenier, secrétaire de la Custodie de Terre Sainte, était présent à l’ouverture de la pierre tombale. “C’était comme entrer dans un mystère et pouvoir, au moins un peu, le toucher du doigt, raconte-t-il. Le Saint-Sépulcre est le centre de notre foi et, être présent à ce moment, fut très émouvant”.

Lire aussi >> Le rocher devant l’Histoire : mille ans de témoignages

L’atmosphère, selon le récit du secrétaire de la Custodie, était à l’émotion : “Ce ne fut pas seulement de l’autosuggestion. J’ai vu tous ceux qui entraient. Et je les ai vus sortir, l’un après l’autre, les yeux brillants, mouillés par l’émotion”. Dans le regard du secrétaire on peut continuer à lire la même joie, mais lorsqu’il essaye de la raconter, il a du mal, combien “il est difficile d’expliquer avec des mots humains ce qui touche Dieu. La Résurrection est quelque chose dont je suis convaincu avec ma raison et avec mon cœur, autrement je ne serais pas devenu frère et je ne serais pas venu jusqu’ici, à Jérusalem. Mais c’est comme si on avait eu besoin d’une certitude en plus, et là quelque chose m’a fait percevoir que oui, c’est bien ainsi. J’étais bouleversé, lorsque je m’en suis allé”.

Fra Narcyz Klimas, du couvent de Saint-Sauveur, raconte lui aussi ces jours incroyables. Il affirme comment, le premier jour d’ouverture du tombeau, lorsqu’on a enlevé la dalle, il y avait un peu de déception parmi les personnes présentes. À cause des détritus et du sable, il était impossible de voir ce qu’il y avait en-dessous. “Mais le deuxième jour, quand j’ai vu la pierre des Croisés, j’ai éprouvé une joie incroyable – explique fr. Narcyz. J’ai enlevé du cou une croix et je l’ai déposée là en pensant : c’est la bénédiction la meilleure que je puisse avoir”.

Silence

Que se passe-t-il réellement devant ce lieu ? Quelque chose d’extraordinaire qu’il faut vivre personnellement. “Quand je parlais aux pèlerins, je leur disais toujours : ‘Posez votre tête sur la pierre tombale qui recouvre le sépulcre, vous verrez quels sentiments s’éveillent’– continue fr. Narcyz. Au moment où on se trouve à l’intérieur du tombeau, on n’a pas le temps de penser pour qui on désire prier, ni ce qu’on aimerait dire. C’est comme si on avait l’esprit vidé. On se concentre seulement sur cela et puis on sort heureux.”

Un sentiment encore différent est celui de fr. Jad Sara, de l’infirmerie de Saint-Sauveur. “Au début, je ne voulais pas aller voir l’ouverture du tombeau, mais je me suis rappelé que, quand j’étais enfant, on allait toujours pour Pâques au Saint-Sépulcre et je me demandais : ‘Qu’y a-t-il à l’intérieur ?’. Je voulais m’enlever cette curiosité”. Le frère, originaire de Jérusalem, explique : “Quand je suis entré, j’ai eu peur. J’étais le premier Hiérosolymitain à entrer au Sépulcre, dans le lieu de la Résurrection, pour découvrir ce qu’à Jérusalem on appelle l’église du salut. J’ai vu la pierre, puis j’ai entendu un long silence. Le silence m’a profondément ému et j’ai éprouvé une grande joie”.

Lire aussi >> Antonia Moropoulou: “Je ne m’attendais pas à trouver le lit de pierre à une telle hauteur”

Fr. Enrique Bermejo, de la fraternité du Cénacle, s’est lui aussi rendu au Sépulcre avec la mission de photographier l’ouverture du tombeau du Christ pour la Custodie. “Cette expérience m’a fait penser aux témoins anciens, comme saint Cyrille de Jérusalem qui parle des lieux saints comme des témoins du Christ et de son mystère. J’ai eu le sentiment de revenir en arrière dans l’Histoire et d’être en communion avec le mystère du Christ qui est toujours vivant”.

Pleurer ou regarder la tombe ?

Fr. Zacheusz Drążek, président de la fraternité franciscaine au Saint-Sépulcre, parle de ces jours de bouleversement comme d’un moment de grâce : “Quand la tombe a été ouverte, en vertu du statu quo, sont entrés d’abord les grecs, puis nous, puis les arméniens. J’ai senti une grande paix, raconte-t-il. Un miracle de ces jours-là a été qu’il n’y a eu aucune rivalité entre nous les grecs et les arméniens : tous, en silence et en paix, nous avons attendu notre tour de prière et nous avons organisé des temps de veille.” “Avant, des lampes à huile, des fleurs, des tableaux couvraient toujours la dalle. Ce serait bien si la tombe pouvait rester toujours dépouillée”, dit un autre frère de la fraternité Kim Théophile.

Au Saint-Sépulcre, il est facile de rencontrer, autour de la sacristie, sœur Annaerica Dell’Agnese, le sourire aux lèvres et toujours en mouvement. La religieuse franciscaine a vu la tombe le matin qui a suivi le jour de l’ouverture, elle raconte : “Pour commencer tu ne sais pas quoi faire. Tu ne sais pas si tu dois pleurer ou regarder la tombe. Tu sens en toi quelque chose qui te pousse à dire ‘que c’est beau’ et puis quelque chose qui te fait penser : ‘c’est vrai ! Jésus a été là, sur ce morceau de rocher’. C’est une émotion qui te reste et tu ne sais pas comment l’expliquer. Il faut l’éprouver pour y croire”.

« Toute l’Histoire est séparée par une simple pierre et, si on l’enlève, voila on est en prise directe avec l’Histoire. Il n’y avait plus de barrières entre le passé et le présent”

Être passé par là durant ces trois jours, a également suscité des sentiments marquants chez les très rares laïcs présents. Nizar Halloun, journaliste de Terre Sainte Magazine, raconte : “J’étais là, debout ; je n’osais pas m’approcher et en même temps je voulais m’approcher. Je me suis penché pour voir, mais j’ai presque oublié de prendre les photos. C’est comme si le temps et l’espace s’étaient arrêtés, explique Nizar. L’émotion n’était pas liée au fait que la tombe n’avait pas été ouverte depuis tant d’années, mais au fait qu’il n’y avait plus de barrières. Il y avait un contact direct entre ce qui s’est passé il y a deux mille ans et maintenant. Toute l’Histoire est séparée par une simple pierre et, si on l’enlève, voila on est en prise directe avec l’Histoire. Il n’y avait plus de barrières entre le passé et le présent”.

Surnaturel

Osama Hamdan, architecte de la Custodie de Terre Sainte, a regardé cet événement d’un point de vue différent : “Je suis musulman et Jésus est un prophète pour nous. Travailler à la tombe de Jésus, c’est une grande émotion. Puis être là, à ce moment précis, c’était très excitant, et je me sentais très privilégié. Le Sépulcre fait partie des lieux qui sont vénérés également par les musulmans. Il a une grande valeur religieuse et historique : il contient l’Histoire de Jérusalem et là se révèle une relation excellente entre musulmans et chrétiens”.

L’ouverture de la tombe a donc été un événement qui a impressionné de nombreuses personnes, d’autant qu’il a été question de phénomènes étranges voire surnaturels : parfums, lumières, instruments scientifiques hors d’usage… Tous les témoins nient avoir vu quelque chose de semblable. L’architecte Osama sourit lorsqu’il en entend parler. “Des collègues affirment que deux ordinateurs se sont cassés. Ça pourrait être le cas, nous ne savons pas au juste”.

Aujourd’hui, alors que les travaux de restauration se poursuivent, le Saint-Sépulcre est redevenu le lieu de toujours. “À partir de ce lieu a retenti par le monde entier une voix : Christ est ressuscité !, rappelle le vicaire de la Custodie. Cette voix rejoint et interpelle tout chrétien, moi compris. Le Christ inaugure une vie nouvelle et dispense cette vie nouvelle ; depuis sa Résurrection nous sommes appelés à vivre de cette vie nouvelle”.

Dernière mise à jour: 29/01/2024 16:10

Sur le même sujet