Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

L’édicule du Saint-Sépulcre dans les âges

Charles-Edouard Guilbert-Roëd
6 avril 2016
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable
L’édicule du Saint-Sépulcre dans les âges
Edicule de Görlitz en Pologne ©Frank Vincentz

Depuis que la tombe du Christ a été isolée pour favoriser sa vénération en 324, elle a été enchâssée dans un petit monument auquel on a donné le nom d’édicule. En 1700 ans, quatre édicules différents ont ceint la chambre sépulcrale de Jésus, ou ce qu’il en reste.


De 324 à 1012 un édicule byzantin

Après qu’il a taillé le rocher pour isoler la tombe de Jésus, l’empereur Constantin fit bâtir pour la ceindre une chapelle ronde. À l’extérieur, il la fit plaquer de marbre et la fit couvrir d’un toit doré, surmonté d’une grande croix.

 

À l’essentiel

Les colonnettes qui l’entouraient étaient au nombre de neuf. Quatre étaient situées devant le monument, reliées par des murs. Elles protégeaient la pierre qui avait été placée devant le Sépulcre et roulée par l’ange. Cet édifice et la tombe de Jésus furent partiellement détruits en 1009 par Al-Hakim bi-Amr Allah, connu des chrétiens sous le nom d’Hakim le fou.

Représentation

©M.-L Palicot Regus

Si l’on peut se représenter aujourd’hui l’édicule de Constantin, c’est parce qu’il a été décrit par des pèlerins, dessiné par d’autres, reproduit enfin dans l’art religieux. Il est par exemple visible sur la boucle de ceinture de saint Césaire, datant du VIe siècle (musée de l’Arles antique, Bouches-du-Rhône), et grâce à la “maquette” en marbre, du Ve siècle aussi, et visible à Narbonne (Aude).

 

En France

De l’édifice byzantin, il est difficile de trouver une réplique à l’échelle. Néanmoins, dans le ciborium souterrain de l’église Saint-Jean d’Aubeterre sur Dronne (Charente), on trouve un monolithe datant du VIIe et XIIe siècle inspiré de l’édicule.

 

En Italie

C’est à Aquilée (Italie) que l’on peut admirer la plus grande représentation. La basilique patriarcale Santa Maria Assunta conserve des mosaïques du IVe siècle et une réplique de l’édicule. Celle-ci conserve les proportions et est utilisée pour la liturgie pendant la Semaine Sainte.

Un édifice roman

©Konrad von Grunebe en 1487

Cinq ans après la destruction par Hakim, c’est son oncle même, Oreste, non seulement chrétien mais patriarche de Jérusalem, qui initia les travaux de restauration de l’église et de la tombe. Il s’ensuit une longue phase de travaux conduits par divers patriarches au gré des vicissitudes politico-religieuses. De 1009 à 1099, année de l’arrivée des Croisés, 30 pèlerinages seulement constituent les sources de documentation sur ces travaux.

L’architecture s’élabore

Aux rondeurs de l’édicule byzantin on préféra une forme polygonale. Le revêtement extérieur du rocher, composé de marbre, fut orné d’une arcature ogivale, en harmonie avec la rotonde, et entouré de douze colonnettes. Devant la porte, un portique carré fut construit. C’est là que se tenaient les gardiens du Saint-Sépulcre. L’intérieur de la chambre était revêtu de mosaïques représentant la mise au tombeau et la Résurrection.

 

Au-dessus de l’édicule s’élevait un clocheton qui fait référence à un ciborium en forme de coupole. Couvert d’argent, il était supporté par douze colonnes avec des chapiteaux colorés de rouge et dorés. De plus, à l’extérieur, contre la paroi occidentale fut adjoint un autel, surmonté d’un baldaquin carré, et dont trois côtés étaient fermés par de belles grilles en fer.

Réplique

Pour voir l’édicule du Saint Sépulcre de l’époque romane il faut se rendre en Allemagne ou en Pologne. A Görlitz par exemple, ville frontalière du Land de Saxe avec la Pologne. La construction de l’édifice eut lieu vers 1480. Elle est entourée de mythologie locale. Une chose est sûre, une ou plusieurs personnes de la ville ont fait le voyage à
Jérusalem, rapportant les informations nécessaires à la construction. Cet édicule a un frère jumeau en Pologne à Żagań, élevé dans la seconde moitié du XVIe alors qu’à Jérusalem l’original menaçant ruine avait été détruit et déjà reconstruit.

Edicule de Görlitz en Pologne ©Frank Vincentz

De 1555 à 1808

L’édicule roman a près de 500 ans et menace ruine. C’est le custode, Boniface de Raguse qui obtient d’effectuer des modifications en 1555. Très peu différent dans la forme, l’extérieur fut revêtu d’un placage en marbre blanc, avec des colonnettes qui s’élevaient sur des bases carrées ornées de moulures.

Elles furent surmontées de chapiteaux corinthiens et de tailloirs, recevant les retombées de neuf arcades ogivales. Le clocheton marque toujours l’espace sacré comme un ciborium. Il est supporté par douze colonnes en porphyre, accouplées et ornées de chapiteaux corinthiens.

 

Sur les tailloirs de ces chapiteaux, s’appuient les arcades ogivales du tambour hexagonal, couronné lui-même d’une grande corniche et surmonté d’une coupole hémisphérique.

L’édicule le plus reproduit

Personne semble-t-il n’a recensé de façon systématique toutes les copies de l’édicule que l’on trouve principalement en Europe. Avec les deux présentes en Amérique du Nord, l’auteur de l’article en recense à ce jour 87, dont 34 reproduisent l’édifice gothique. Elles se trouvent principalement en Tchéquie et en Autriche. Une maquette en pierre très réaliste est visible en Hollande au Museum Catharijne Convent à Utrecht.

©Museum Catharijne convent

De 1810 à nos jours, le style baroque ottoman

Suite à l’incendie qui se déclara dans la nuit du 11 au 12 octobre 1808, ce sont les Grecs-orthodoxes qui reçurent de l’empire Ottoman – dont ils étaient les sujets – la permission de rebâtir l’édicule. La nouvelle structure est celle que l’on visite aujourd’hui revêtue de marbre blanc et jaune. On qualifie son style de baroque ottoman. Les armatures métalliques furent posées par les Britanniques après le tremblement de terre de 1927. Sans elles, l’édifice s’écroulerait.

 

Visite à domicile

Une visite à l’édicule sans la Terre Sainte, cela vous tente ? Que vous soyez en Amérique du Nord ou en Europe c’est possible. Au Canada, vous pouvez vous rendre au sanctuaire de Notre-Dame-du-Cap à Trois-Rivières, Aux États-Unis, chez les franciscains de Washington. En France, ce sera à Angers (Maine et Loire) ou à Notre-Dame-du-Chêne dans la Sarthe.

A Notre-Dame-du-Chêne (photo), la réplique a été réalisée en 1896 à la demande des pèlerins de la Sarthe, de la Mayenne et du Maine-et-Loire pour commémorer le passage du pape Urbain II à Sablé et au Mans huit siècles plus tôt en 1096.

©notredameduchene.com


Les Églises à ce jour n’ont pu tomber d’accord sur le type de restauration à apporter. D’aucuns plaident qu’à la faveur de travaux, on pourrait conduire des recherches et découvrir ce qu’il reste des édicules précédents et plus encore du rocher originel dans lequel fut creusée la tombe de Jésus. Et pourquoi pas un 5e édicule qui permettrait d’en restituer l’histoire et faciliterait ce qui est devenu un “tourisme de masse” ?

Charles-Edouard Guilbert-Roëd est doctorant en Histoire de l’Architecture à l’École Pratique des Hautes études

Dernière mise à jour: 07/01/2024 00:09