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Un mariage comme au temps de l’évangile

in La Terre Sainte, 15 janvier 1922
14 janvier 2021
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Un mariage comme au temps de l’évangile
Procession du fiancé à l’occasion de son mariage. Cliché pris à Beitounia, village musulman non loin de Ramallah, entre 1900 et 1920. Le village comptait 948 habitants d’après le recensement de 1922, il en compte quelque 22 000 aujourd’hui.© Library of Congress Prints and Photographs Division

La question qui commence l’article vaut son pesant d’or. Il est là le grand fantasme des pèlerins de la fin du XIXe et du début du XXe siècle : les habitants de la Terre Sainte vivent-ils comme il y a 2000 ans ?


Titre original : L’immuable Orient / La Terre Sainte, 15 janvier 1922, page 17

Bien des personnes le disent, les pèlerins l’écrivent : “Est-il bien vrai qu’en Orient, en Palestine surtout, les peuples et les mœurs ressemblent encore à ce qu’ils étaient il y a 2000 ans ?

Là où l’indigène n’a guère subi l’influence moderne ; là où il est maître et indépendant, la Terre Sainte est ce qu’elle était il y a des siècles ; elle est encore, mis à part les bouleversements survenus et les ruines accumulées, comme aux temps où le Sauveur la parcourait en tous sens, semant ses miracles et ses bienfaits.

C’est là une vraie providence pour notre époque de recherches et de doutes, sous tous les rapports. Car on y voit revivre les antiques usages si utiles, si nécessaires, pour comprendre l’Évangile et surtout, ses admirables paraboles. Les vêtements, la mode dirait-on maintenant, jusqu’aux moindres détails de la vie, tout est comme jadis.

Quelques exemples pratiques montreront cette vérité.

Un jour, le père du jeune homme fait, comme par hasard, une visite aux parents de la jeune fille. (N’est-ce pas à la lettre l’histoire d’Abraham qui envoya un serviteur chercher une épouse pour son fils Isaac ?) La conversation s’engage sur le beau temps et la pluie et, lentement on arrive au but. Puis, on traite vivement le sort des deux jeunes gens…

Tout le monde connaît l’histoire de Jacob qui, pour obtenir la main de la fille de Laban, dût servir celui-ci pendant sept ans. Ainsi il acheta sa femme. Cet usage existe encore. Un jeune Arabe veut-il se marier, ce qui certes est très louable ; ce n’est pas lui qui a le droit de choisir sa compagne : les parents doivent y penser. Dans le voisinage, ou ailleurs, ils ont des amis, des connaissances ; ils y ont vu une jeune fille qui, selon eux, ferait le bonheur de leur fils. Aux deux intéressés on ne dit rien, on ne leur demande ni s’ils se connaissent, s’ils se sont jamais rencontrés, ni s’ils ont de la sympathie réciproque, ni tant d’autres points, si sévèrement examinés et discutés dans l’Occident.

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Un jour, le père du jeune homme fait, comme par hasard, une visite aux parents de la jeune fille. (N’est-ce pas à la lettre l’histoire d’Abraham qui envoya un serviteur chercher une épouse pour son fils Isaac ?) La conversation s’engage sur le beau temps et la pluie et, lentement on arrive au but. Puis, on traite vivement le sort des deux jeunes gens…

Après quelques jours de réflexions, par pure convenance comme on dit, les parents se revoient de nouveau. L’un expose les qualités exceptionnelles de son fils ; l’autre n’est pas moins éloquent pour parler de sa fille. La conversation est animée, car il s’agit de déterminer le prix de l’achat, en d’autres mots plus civilisés, la dot que le jeune homme ou ses parents ont à payer aux parents de la jeune fille. Avant la guerre, le prix ordinaire dans les villages variait entre 200 et 300 frs. Généralement on tombe d’accord après de longs débats. Il arrive cependant que l’un demande trop et que l’autre offre trop peu, et alors ?

De mauvais plaisants assurent que dans ce cas, ce qui a été traité jusqu’ici comme marchandise, doit subir cette condition jusqu’à la fin et le poids sert à fixer le prix ! Le temps très court entre ces fiançailles et le mariage, se passe en préparatifs et en fêtes bruyantes. Enfin au jour fixé, un cortège, composé de toutes les voisines, conduit la fiancée à la maison de son futur époux. Elle monte un chameau ou un cheval et disparaît entièrement sous les cadeaux et un long voile. Dernièrement j’eus l’occasion de voir de loin un groupe pareil, c’était très pittoresque, de la fiancée on ne voyait rien ; elle paraissait une pyramide quelconque sur une bête de somme. Un ami m’expliqua que c’était une petite fille de six ans à peine, que l’on conduisait auprès de son futur mari, lequel comptait douze ans… Les parents auront du travail et des soucis pour maintenir l’accord dans ce ménage d’enfants ! En chemin on chante, on crie, on bat des mains, parfois même un tambour et d’autres instruments interviennent pour maintenir la mesure et entretenir l’ardeur du cortège.

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À la maison du fiancé le bruit est indescriptible ; la pauvre fille doit assister au banquet voilée et immobile. Ce n’est que lorsque tout le monde se lève de table, qu’elle est introduite dans la chambre de son mari, où elle peut enfin découvrir sa figure. C’est alors que ces deux êtres, liés par le mariage, se voient pour la première fois et peuvent faire connaissance !

Et ces unions sont heureuses dira-t-on ? En général oui. La femme sait qu’elle a été achetée, qu’elle n’est par conséquent que la servante, l’esclave de son maître. Du reste, chez les musulmans, la femme est considérée comme inférieure à l’homme, et cela sous tous les rapports. Le mari de son côté, n’ignore pas combien il a payé sa compagne et quoiqu’il la considère à peu près comme une bête de somme, il la traite toujours humainement, sinon par affection, du moins par intérêt.

De cet usage, il résulte que les arabes, dès qu’ils sont en état de gagner quelque chose, travaillent pour l’avenir et mettent leur salaire en poche, au moins en grande partie. Il est évident que chez les chrétiens ces mœurs n’existent pas. Ils se marient souvent très jeunes et il n’est pas rare d’en rencontrer, qui sont fiancés dès le berceau et ces fiançailles contractées par les parents sont, ordinairement, respectées.

Dernière mise à jour: 14/03/2024 12:14

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