Haaretz a rapporté, dans son édition du 15 novembre, que des archéologues continuaient de dévoiler les secrets d’une basilique de l’époque byzantine à Ashdod, à 45 km au sud de Tel Aviv. L’édifice a été découvert en 2017. Construit au IVe siècle ou au Ve siècle ap. J.C., il est « considéré comme l’une des plus anciennes et des plus grandes basiliques chrétiennes trouvées en Israël », selon le quotidien israélien.
L’édifice se développe selon un plan classique à trois nefs avec plusieurs chapelles attenantes. Si on ne sait pas à qui l’église a été consacrée, on sait d’après l’étude de mosaïques sur son sol, qu’elle honorait la mémoire de plusieurs femmes. De fait, le pavement de la basilique « est recouvert de mosaïques exquises représentant des croix, des motifs géométriques élaborés, ainsi que des scènes d’animaux et une douzaine d’inscriptions honorant des hommes et des femmes, dans des proportions à peu près égales », décrit le journal.
Honneur aux femmes membres du clergé
Le texte le plus ancien est une inscription mortuaire « à la mémoire du prêtre Gaianos et de Severa, la femme diacre », et comporte une date d’un autre calendrier – 169 – qui correspondrait selon les experts à l’année 416 après J.C.
D’autres femmes, enterrées sous le pavement de tesselles, sont également honorées : « la Sainte Mère Sophronie », qui fut peut-être selon les chercheurs la supérieure d’un monastère voisin, « Theodosie la diaconesse » et « Gregoria la diaconesse ». Les diaconnesses – de « diakonos » en grec signifiant « serviteur » ou « assistant » -, étaient des femmes, ministres du clergé, qui, selon les sources, étaient ordonnées ou solennellement instituées par une bénédiction. Elles avaient un rôle peu ou prou analogue à celui des diacres.
Lire aussi >> Femmes et foi
Saint Paul en parle déjà dans son épître aux Romains (16, 1) : « Je vous recommande Phébée, notre sœur, diaconesse de l’Eglise de Cenchrées : offrez-lui dans le Seigneur un accueil digne des saints, et assistez-la en toute affaire où elle aurait besoin de vous ; aussi bien fut-elle une protectrice pour nombre de chrétiens et pour moi-même ». Il est logique de penser que les noms de femmes commémorés en nombre à Ashdod renforcent l’idée de plus en plus communément admise de l’importance des diaconesses au service de l’Eglise dans le christianisme des premiers siècles.
Y a-t-il un lien avec l’une des filles de l’apôtre Philippe ?
Dans l’abside centrale de la basilique a été retrouvée une tombe ainsi qu’un maître-autel qui, selon les chercheurs, datent de la fin de la période romaine, c’est-à-dire d’avant la construction de la basilique byzantine. La sépulture simple sans artefacts est « typique de celle réservée aux premiers saints chrétiens », explique Hila May, une anthropologue de l’Université de Tel Aviv, citée par Haaretz. Celle qui travaille sur les ossements trouvés sur le site a noté que la tombe est la seule sépulture de la basilique qui n’a pas été recyclée à une période ultérieure en fosse commune. Signe de respect pour la personne défunte qui y repose.
Lire aussi >> Une mosaïque de 1500 ans révèle le passé géorgien d’Ashdod
D’après ses premiers travaux, la chercheuse suppose que la personne enterrée était une femme. Or, pour mémoire, on sait que la ville d’Ashdod est liée au passage de l’apôtre Philippe. Un épisode mentionné dans les Actes des apôtres (8, 40). On sait également dans les Actes au chapitre 21, verset 9, que l’apôtre avait « quatre filles non mariées, qui prophétisaient ». Alors se pose la question de savoir si la tombe est celle d’une des filles de saint Philippe. « Ceci, pour le moment, n’est que pure spéculation », a déclaré prudemment Hila May à Haaretz. Mais cela expliquerait le nombre de diaconesses enterrées dans la basilique, au plus près de la tombe en question. D’autres investigations doivent être réalisées.
Preuve possible de la peste de Justinien
En fouillant les tombes de la basilique, les chercheurs ont par ailleurs découvert que la plupart avaient été réutilisées vers le VIe siècle après J.C. De fait, ils ont trouvé non pas un squelette à l’intérieur mais des quantités d’ossements appartenant à des dizaines de personnes. Ils ont constaté que les corps avaient été enterrés « pêle-mêle », « sans cérémonie » et de manière précipitée. Les réparations hâtives des mosaïques du sol endommagées par les ouvertures des tombes le prouvent. Généralement, les experts associent ce type de sépultures de masse à des périodes de crise ou d’épidémies majeures. Qui plus est, les corps ont été recouverts de chaux. Utile pour retenir les odeurs et surtout la contamination.
Pour les chercheurs, il s’agirait là de preuves, rares, d’une pandémie au VIe siècle ; probablement la peste de Justinien, du nom de l’empereur romain d’Orient du même nom (vers 482-565). Cette peste sévit dans l’empire à partir de 541, de l’Egypte en passant par la Palestine pour arriver jusqu’à Constantinople. Elle aurait touché entre un quart et un tiers de la population de l’empire .et aurait contribué de manière significative à son déclin. Pour l’heure, les ossements de la basilique sont encore en cours d’étude. Les scientifiques cherchent la trace du bacille Yersinia pestis.
Prière pour les âmes des morts
La basilique d’Ashdod aurait été par la suite détruite par un gigantesque incendie aux alentours de l’an 600, a expliqué à Haaretz le professeur Alexander Fantalkin, archéologue de l’université de Tel Aviv qui dirige les fouilles. L’effondrement du toit du bâtiment a probablement aidé à préserver au fil des siècles l’édifice et ses mosaïques.
Cet été, le clergé orthodoxe a tenu une liturgie en juillet 2021 pour prier pour les âmes des morts, a indiqué le quotidien israélien. Le patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem, Théophilos III, a exprimé le souhait que l’église soit préservée et rendue accessible aux chercheurs et aux pèlerins. Cité par le journal, Saar Ganor, l’archéologue en chef de l’Autorité des Antiquités d’Israël pour l’ensemble de la région d’Ashkelon (à 20 km au sud d’Ashdod) a qualifié le site « d’une importance énorme » le plaçant au même niveau que celui de Césarée. Pour l’heure, les découvertes ont été à nouveau recouvertes pour les protéger des éléments naturels et du vandalisme.