“Ah bon ? Les frontières vont rouvrir ?” La nouvelle ne semble faire ni chaud ni froid à Samir. Adossé contre l’encadrure de la porte de son échoppe, il guette le passant, plus par principe que par réelle conviction : à part quelques groupes de touristes en voyage organisé, personne n’a pu entrer sur le territoire israélien depuis le début de l’épidémie, en mars 2020. Peut-être plus pour très longtemps.
Jeudi 21 octobre, le gouvernement a approuvé le plan de retour des touristes dans le pays à partir du 1er novembre prochain, tout en gardant un oeil sur l’évolution du sous-variant Delta AY.4.2. Il ne manque plus que la validation du haut cabinet dédié au coronavirus pour que la nouvelle soit officielle. Il faudra être vacciné (deux doses et une troisième si la deuxième a plus de six mois) et se soumettre à des tests PCR avant le départ et à l’arrivée dans le pays. La quarantaine durera 24 heures et pourra être écourtée à la réception de résultats négatifs.
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“Au bout de presque deux ans, ça serait une bonne idée de rouvrir, lâche Samir sarcastique. On est les seuls de la région à ne pas l’avoir fait. On sait bien que le tourisme n’est pas la priorité d’Israël. S’il y a à nouveau le moindre doute par rapport à la reprise de l’épidémie, ils n’hésiteront pas à refermer.” Mouvement dubitatif du menton. “Et là, on sera vraiment mal.”
Attente
Un an et demi que Samir n’ouvre que les vendredis et samedis. Située au croisement entre la rue du quartier chrétien et celle qui descend vers le Saint Sépulcre, sa boutique a pignon sur rue et voit habituellement défiler des cohortes de pèlerins ou de fidèles en quête de souvenirs. Alors oui, les touristes, il les attend de pied ferme. Mais il n’a plus confiance dans le gouvernement Israélien.
“Ils changent d’avis tout le temps”, s’agace-t-il. Un sentiment partagé par Nissan dont le moral a fluctué tout l’été, au rythme des promesses de réouverture et des rétractations. Aujourd’hui, il veut s’éviter une fausse joie. “On nous avait dit septembre. On attend toujours”, évacue le commerçant en faisant référence à la vague épidémique estivale qui a empêché la réouverture du pays à la date prévue.
Attendre. Beaucoup ne peuvent pas se le permettre. Ces derniers temps, le rideau en fer de la boutique de Nissan est resté plus souvent fermé. Il enchaîne les petits boulots pour boucler les fins de mois. Comme Mohammed, qui se transforme en chauffeur de taxi quand il n’est pas dans son échoppe du Muristan. “On fait ce qu’on peut, même avec ce qu’on n’a pas”, rit-il en expliquant qu’il ne possède pas la licence nécessaire pour être un taxi officiel. Ses yeux se font graves : “Je n’ai pas réussi à trouver d’autre emploi.”
Solidarité
Si Mohammed et Nissan sont propriétaires de leur boutique, ce n’est pas le cas de Samir qui doit s’acquitter d’un loyer mensuel auprès de l’église Grecque-Orthodoxe, propriétaire des murs de son commerce, alors même qu’aucun shekel n’entre dans ses caisses. “Pendant le premier confinement, ils ont arrêté les prélèvements, par solidarité. Mais depuis quelques mois, je suis obligé de demander de l’aide à ma famille pour payer le loyer, confie-t-il dans un souffle. C’est dur tous les jours. J’ai encore les études de mes deux enfants à payer. S’il n’y avait pas mes frères, je serai à la rue.”
Certains, comme Malek ont des propriétaires plus compatissants : “C’est un bon ami. Il a accepté que je ne lui verse pas les 3000 shekels (750 euros) de loyer mensuel jusqu’à ce que les affaires reprennent.” La trentaine volontaire, Malek vient ouvrir tous les jours sa boutique, située en face de la fontaine du Muristan : “Même si on ne vend rien, ça permet de garder un lien avec les voisins, de s’occuper.” Selon lui, personne n’a eu à mettre la clé sous la porte dans le quartier. “On a reçu un peu d’aide de la part de l’Etat. Et puis de toute façon, si quelqu’un voulait vendre sa boutique, personne n’aurait les moyens de la racheter.”
Tous espèrent des jours meilleurs, le retour des pèlerins et des affaires qui vont avec. Pour ne pas se faire de faux espoirs, ils préfèrent s’en remettre au destin dans la formule consacrée : “Insh’Allah”, “Si Dieu le veut”.