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Israël : des femmes marchent dans le désert pour le « droit au divorce »

Claire Riobé
13 mars 2020
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Manifestation d'une organisation de femmes Agunot devant le ministère de la Justice à Jérusalem, le 07 juillet 2011. ©Amir/FLASH90

Les agunots sont des femmes à qui l'époux refuse d'octroyer un guet - un acte de divorce. La marche réunit chaque années plusieurs centaines de militantes en Israël, qui tentent de sensibiliser la société à leur sort.


Elles étaient plusieurs centaines, le 25 février dernier, à défiler dans le sud du désert israélien. Grande colonne de T-shirts rouges, calme et solennelle, au milieu de l’étendue aride. Depuis trois ans maintenant, la randonnée des « Femmes qui déplacent des montagnes » organise 24 heures de marche, sur 24 kilomètres, en signe de solidarité aux femmes  « enchaînées », couramment appelées agunot.

Une agunot est une femme à qui a été refusé un acte de divorce religieux, le « guet ». Les mesoravot guet sont les femmes auxquelles on refuse le divorce par représailles ou chantage.  Les organisations représentant ces femmes les définissent comme mesoravot à partir du moment où leurs époux refusent de divorcer, tandis que les tribunaux rabbiniques ne le font qu’après avoir formellement ordonné le divorce au mari, explique le Times Of Israël.

La marche annuelle permet de collecter des fonds pour Yad Laisha d’Ohr Torah Stone, une organisation qui aide les femmes juives à naviguer dans le processus du divorce. »Nous sommes en 2020 et ça peut paraître inimaginable, mais nous devons encore nous battre pour libérer les femmes », affirme Pnina Omer, directrice de Yad Laisha. Si le nombre d’agunot est indéterminé en Israël, au cours du dernier mois seulement, l’organisation a libéré douze femmes, dont une qui a attendu vingt ans pour obtenir le divorce.

Divorce à l’israélienne

En Israël, le mariage et le divorce sont exclusivement supervisés par le Grand rabbinat (autorité religieuse de l’Etat). Les divorces s’effectuent conformément à la loi juive, ce qui signifie que le mari doit donner un acte de divorce à son épouse – le guet – que la femme doit accepter. Si l’homme refuse ou se trouve dans l’incapacité de le donner à sa compagne, la femme reste dépendante de son époux aux yeux des autorités religieuses et, par extension, de l’État.

Dans de nombreux cas, le guet est retenu par l’époux récalcitrant et conditionné à la remise d’une forte somme d’argent, à l’abandon des droits à une pension alimentaire, à des biens, continue le Times of Israël. Ce qui s’apparente, selon les juristes, à une forme d’extorsion et d’abus.

Les institutions  rabbiniques israéliennes sont en mesure de faire appliquer d’importantes sanctions à l’encontre des époux récalcitrants, notamment en leur interdisant de quitter le territoire, en les faisant arrêter ou en donnant l’ordre à leurs employeurs de les licencier. Ces mesures ne sont que rarement prises.

Affaire Meir Gorodetsky

Ainsi de Meir Gorodetsky, connu comme « le mari le plus récalcitrant au guet de l’histoire de l’Etat d’Israël », qui a été condamné en 2000 sur ordre du tribunal rabbinique pour son comportement violent et son refus d’accorder un guet à sa femme. Il a choisi de rester 19 ans en prison plutôt que de lui accorder un guet. Cette dernière a finalement obtenu une annulation privée de leur mariage par un tribunal juif orthodoxe privé en 2018, mais la démarche n’a pas été reconnue par les autorités de l’Etat. En octobre 2019, M. Gorodestsky est libéré de prison et peut aujourd’hui circuler en toute liberté, tandis que sa femme demeure une agunot, enchaînée.

Cette traversée du désert, symbolique, n’est donc pas sans faire écho au parcours long et semé d’embuches de ces femmes. Elle est l’occasion pour les militantes de leur témoigner de leur solidarité, mais également de partager leurs histoires et pour certaines leurs victoires, après des années d’attente de divorce.

 Laïques et religieuses, jeunes et moins jeunes, venues de tout le pays : la diversité des femmes « enchaînées » et de celles qui ont participé à la marche met en avant seule vérité : celle que toute femme juive en Israël demandant le divorce, et indépendamment de ses croyances personnelles, peut potentiellement se retrouver dans cette situation.

La journée internationale des femmes agunot est célébrée chaque année le 23 mars. En 2016, l’association Chochmat Nashim avait lancé une grande campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux autour de portraits de femmes accompagnés du slogan : « #NoMoreChains » (« #PlusDeChaînes »).

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