Les festivités pascales débutent ce week-end pour les juifs. Le soir du 14 Nisan (soit le 27 mars en 2021), les familles se réuniront autour de grandes tablées pour le Séder de Pessa’h, un dîner en 14 étapes au rituel très codifié mais vivant, qui commémore la sortie d’Égypte. On est, a priori, très loin de la symbolique de la pâque chrétienne, qui célèbre la mort et la résurrection de Jésus Christ. Et pourtant…
« La fête de Pâques est enracinée dans des éléments de Pessa’h. On ne peut comprendre la fête chrétienne que si l’on saisit bien tout ce qui se joue avec la pâque juive », explique frère Louis-Marie, supérieur de l’abbaye d’Abu Gosh. Quand on y regarde d’un peu plus près, on constate que de nombreux éléments unissent ces deux fêtes.
Pâques a eu lieu lors de la pâque
Les récits évangéliques situent la mort et la résurrection de Jésus dans un contexte pascal. Deux chronologies s’opposent, mais celle qui tient la route historiquement (celle de saint Jean) replace la condamnation de Jésus la veille du Séder de Pessa’h. À l’époque, cette journée correspondait à celle du sacrifice des agneaux dont le sang était ensuite répandu sur les portes des maisons, en souvenir du geste qui protégea les premiers-nés juifs de la mort quand la dernières des dix plaies s’est abattue sur l’Égypte.
Lire aussi >> Quand des réfugiés fêtent Pessah
« Les évangiles disent donc que Jésus a vécu le Séder de Pessa’h. C’est très important pour comprendre l’eucharistie », explique frère Louis-Marie. La pâque juive, par son rituel commémoratif en 14 étapes autour d’un plateau où l’on retrouve divers éléments aux symboliques précises, actualise la sortie d’Égypte. C’est plus qu’un souvenir. « Avec l’eucharistie, on fait mémoire, on actualise la mort et la résurrection du christ », interprète l’abbé.
Passage
En hébreu, Pessa’h signifie « passage », en référence au fait que l’ange de la mort est passé au dessus des maisons des enfants d’Israël en épargnant leur enfant, mais aussi en référence au passage de la servitude vers la liberté. On retrouve cette symbolique dans la fête chrétienne. « La résurrection, c’est le passage de la mort à la vie. Son aspect est double : par sa mort Jésus Christ nous libère du péché et par sa résurrection, il nous ouvre à une nouvelle vie, de la même manière que le peuple d’Israël a entamé une nouvelle vie en fuyant l’Égypte », remarque Sylvaine Lacout, directrice du Centre Chrétien d’Etudes Juives de l’Ecole Cathédrale.
Le rite chrétien orthodoxe matérialise très bien ce « passage » du jour de Pâques avec la cérémonie impressionnante du feu sacré au Saint-Sépulcre, qui incarne le passage des ténèbres à la lumière.
__
Pour approfondir le sujet : Comment Pessa’h est devenu Pâques, une discussion avec Julien Darmon, professeur de Talmud et Antoine Guggenheim, docteur en théologie, à regarder sur le site de l’Akadem, le campus numérique juif.