Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Roula Ma’ay’ah: « Nous voulons que les touristes restent plus longtemps en Palestine »

Cyrille David
1 décembre 2013
email whatsapp whatsapp facebook twitter version imprimable

La Palestine, État ou pas, a des préoccupations similaires  à tous les pays du monde notamment celle d’attirer les touristes. TSM a rencontré Mme Roula Ma’ay’ah, Ministre palestinienne du tourisme et des antiquités. Elle revient sur les objectifs de son ministère.


Mme la Ministre, qui sont les touristes qui visitent la Palestine ?

À ce jour, 93 à 95 % des touristes qui visitent la Palestine sont des pèlerins, qui viennent donc pour des raisons religieuses. Quelques-uns viennent pour des raisons politiques d’autres encore pour de l’éco-tourisme. Certains viennent aussi pour visiter des monuments anciens. L’église du Saint-Sépulcre à Jérusalem-Est, la Nativité à Bethléem voient passer la quasi-totalité de ces touristes. Certains se rendent aussi à Beit Sahour voir le Champs des bergers. D’autres (50 à 60 % peut-être) vont à Jéricho, vers la Jordanie, et reviennent.

Quelles sont les priorités de votre ministère pour développer le tourisme ?

Prenons Jéricho en exemple. C’est la plus ancienne ville habitée du monde. Elle est occupée sans discontinuer depuis 10 000 ans. C’est aussi le point le plus bas du monde. Et la Mer Morte est, comme je dis toujours, la seule Mer Morte du monde. Nous n’avons pas assez de touristes qui viennent visiter nos richesses archéologiques. Aussi mettons-nous maintenant l’accent sur les sites archéologiques qui méritent d’être découverts. Par ailleurs, actuellement, nous travaillons à la rénovation et à la réhabilitation de sites du nord au sud du pays. Nous avons des dizaines d’endroits qui pourraient être visités. Nous travaillons avec différents donateurs à la réhabilitation de ces sites en construisant des centres d’information et des musées “d’interprétation” à proximité. Récemment nous avons ouvert le site de tell Balata à Naplouse.
Il y a maintenant là-bas un petit musée et un centre d’information. De même à Khirbet al-Mafjar (le Palais d’Hicham, à Jéricho). Les abords ont été réhabilités et le site a ouvert il y a peu. Mais il reste encore du travail.

Combien de touristes la Palestine attire-t-elle chaque année ?

L’année 2012, avec 2,3 millions de visiteurs, a connu une augmentation de 20 % en nombre de touristes par rapport à 2011. Mais, fait plus important pour nous : il y a eu une augmentation de 25 % en terme d’hébergement. Nous ne voulons pas seulement une augmentation du nombre de touristes, qui souvent ne passent que quelques heures. Nous souhaitons aussi une augmentation des hébergements qui signifie qu’ils restent à Bethléem et, de là, en profitent pour visiter d’autres villes. C’est un sujet que nous travaillons.

Avec Israël, la concurrence est féroce pour attirer les visiteurs…

Nous avons un problème en Palestine – c’est la raison pour laquelle je pense aux sites archéologiques – c’est que de nombreux touristes qui viennent visiter la Palestine passent par des tour operators israéliens. Et ces tour operators leur font passer le moins de temps possible en Palestine pour le maximum de temps en Israël. S’ils viennent à Bethléem, ils ne resteront que quelques heures, quelquefois une demi-heure. Si nous parvenons à réhabiliter les sites archéologiques, il y aura plus de choses à découvrir. Une visite de quelques heures ne sera pas suffisante. Et cela ne concernera pas seulement Bethléem mais aussi les autres villes palestiniennes. Cela nous permettrait de mieux bénéficier du tourisme. Les touristes pourraient mieux connaître la Palestine. Ils en viendraient à mieux connaître notre histoire. De notre côté, c’est intéressant qu’ils logent chez nous.

Les Palestiniens ont-ils conscience de la richesse de leur pays ?

Bien sûr qu’ils en ont conscience. Mais les Palestiniens – je parle des Palestiniens ordinaires – ont de nombreux problèmes qui les détournent des trésors qu’ils possèdent. Chaque Palestinien sait que la Palestine a une histoire très riche, qu’elle n’est pas un pays touristique comme un autre, qu’elle est unique. Quand j’ai fait mention des lieux saints chrétiens, j’aurais dû aussi parler des lieux saints tels que la mosquée el-Aqsa et Qubbet es-Sakhrah (le Dôme du Rocher – dont la visite intérieure demeure interdite aux non musulmans NDLR). Et aussi d’Hébron où se trouve la tombe d’Abraham et Sarah.

Est-ce que des musulmans viennent en Palestine dans une démarche de pèlerinage ?

Il y en a, mais sans constituer un gros contingent. En effet de nombreux musulmans ne peuvent pas venir, l’accès leur étant interdit par Israël qui contrôle toutes les frontières. D’autres musulmans voudraient venir, mais ils ne veulent pas se voir accuser d’avoir des relations avec Israël. Certains ne veulent pas venir en Palestine car selon eux, elle est sous occupation. Nous essayons donc d’expliquer aux musulmans de l’étranger qu’en visitant la Palestine, ils ne visitent pas Israël, mais qu’ils soutiennent les Palestiniens. Les Palestiniens verront en ces musulmans du monde entier venant les visiter un soutien pour eux-mêmes et pas une acceptation de l’occupation israélienne. Cette politique porte quelques fruits. Les musulmans non-arabes, qui viennent d’Inde, de Malaisie, d’Indonésie et de Turquie ont plus de facilité.

Le tourisme est-il une priorité du gouvernement ?

C’est ce que tout le monde dit. Mais nous avons besoin de travailler davantage. Je pense que le Président Abbas comprend très bien l’importance du tourisme. Il dit toujours “Nous, les Palestiniens, nous n’avons pas de pétrole mais nous avons le tourisme qui pourrait être notre pétrole.” Au sein du gouvernement, lorsque nous parlons de l’importance du développement de l’économie, le tourisme est une priorité. Mais nous manquons de moyens pour promouvoir ce secteur.

Hormis le pèlerinage, quelles sont les autres formes de tourisme qui existent en Terre Sainte, du côté palestinien ?

Presque tous les touristes visitant la Palestine sont des pèlerins. Mais nous concentrons nos efforts sur des formes alternatives de tourisme. Sur l’éco-tourisme par exemple. Ici, en Palestine, nous avons le désert, nous avons des espaces naturels, des sites historiques… Nous travaillons aussi sur des sentiers balisés pour les marcheurs.

Qu’a changé selon vous l’adhésion de la Palestine à l’UNESCO ?

C’est une avancée mais elle ne règle pas tout. Prenons l’exemple de Deir Saaman, site archéologique très important remontant à l’époque byzantine, situé dans le gouvernorat de Salfit. C’est une ancienne église dont on voit les colonnes, marquées de croix, le baptistère. Mais les Israéliens construisent une colonie à côté et accaparent les terres. Nous avons envoyé une lettre à l’UNESCO. Mais le site n’est pas sur la liste du patrimoine mondial. Le seul site qui y figure est la vieille ville de Bethléem et la Nativité. L’UNESCO peut travailler n’importe où ailleurs dans le monde mais pas en Palestine.

Un jour, Naplouse sera-t-elle une ville touristique ?

Elle doit le devenir ! C’est une magnifique et très ancienne ville. À Naplouse, comme à Hébron, il y a une vieille ville très intéressante pour les touristes. Quand j’ai fait mention de tell balata, c’est à Naplouse.

Sur le même sujet
Le numéro en cours

Site officiel de la Custodie

Achetez ce numéro