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Israël : un nouveau président et bientôt un gouvernement ?

Christophe Lafontaine
3 juin 2021
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Israël : un nouveau président et bientôt un gouvernement ?
Les deux potentiels futurs Premiers ministres d’Israël, par rotation. A droite, Naftali Bennett (droite radicale) et Yair Lapid (Centre). Photo prise en 2014. © Miriam Alster/FLASH90

A l’heure où Israël a un nouveau président, le centriste Yaïr Lapid, a annoncé pouvoir former un gouvernement de coalition après quatre scrutins en moins de deux ans. Mais rien n’est gagné pour le bloc anti-Netanyahu.


Bye bye Bibi ? Ce n’est pas tout à fait sûr encore, même si ça en a tout l’air. Yaïr Lapid pourrait avoir réussi là où Benjamin Netanyahu a échoué. Après les dernières élections législatives, en mars dernier, les quatrièmes en moins de deux ans, le président israélien sortant, Reuven Rivlin, avait chargé Netanyahu, dont le parti Likoud (droite) avait terminé en première position, de former un gouvernement. Mais le Premier ministre n’a pas réussi à réunir le nombre minimum nécessaire de 61 députés, sur les 120 de la Knesset, le Parlement israélien.

Le centriste Yaïr Lapid, son challenger, a vu arriver en deuxième place son parti en nombre de sièges. De facto, chef de l’opposition israélienne, il avait reçu à son tour début mai le mandat de la part du président d’Israël pour tenter sa chance. Le délai courait jusqu’à hier minuit. C’est in extremis qu’il a pu annoncer au chef de l’Etat qu’il avait réuni les appuis nécessaires à cette fin. Ce qui pourrait mettre un terme à plus de deux ans de crise politique en Israël.

Un bloc anti-Netanyahu qui fait le grand écart

A la tête du parti centriste laïc Yesh Atid (« Il y a un futur »), Yaïr Lapid s’est employé à de multiples négociations pour conclure un accord formel de coalition en vue de former un « gouvernement d’union nationale », aussi nommé « gouvernement du changement », bâti avant tout sur le rejet de Benjamin Netanyahu. Le Premier ministre sortant, jugé pour « corruption » et « malversation » dans une série d’affaires, occupe son poste depuis plus de 12 ans sans discontinuité, et a déjà été à cette même fonction entre 1996 à 1999. Son « règne » est le plus long de l’histoire de l’Etat d’Israël.

L’accord que Yaïr Lapid est parvenu à obtenir hier soir réunit huit partis israéliens qui font le grand écart idéologiquement. Trois partis sont issus de la droite dure (Yisrael Beiteinu – 7 sièges à la Knesset, Tikva Hadasha – 6 sièges, Yamina – avec 6 de ses 7 députés prêts à soutenir la coalition). Deux autres partis viennent du centre (Yesh Atid – 17 sièges et Kahol Lavan – 8 sièges), deux autres sont de gauche (Meretz – 6 sièges et les Travaillistes – 7 sièges). Enfin, Ra’am, la Liste arabe unie, une formation arabe islamo-conservateur, représentant une partie des Palestiniens citoyens d’Israël avec 4 sièges au parlement, a donné son accord pour la coalition.

Un vote de confiance crucial…

Si l’accord est signé sur le papier par les chefs des huit partis précités, rien n’est cependant complètement acquis du côté de leurs députés à titre individuel. Le gouvernement de coalition ne sera pas acté avant le vote de confiance de la Knesset, dont on ignore encore la date. Le nouvel exécutif doit donc encore obtenir le vote d’au moins 61 parlementaires pour ensuite prêter serment. Et c’est là que les choses se compliquent. La presse israélienne a affirmé que le président de la Knesset, Yariv Levi, du Likoud, qui fait l’objet d’une pétition qui vise à le remplacer au profit d’un élu de Yesh Atid, peut à son poste, encore jouer la montre, en laissant le Premier ministre sortant faire pression sur un ou deux députés de la droite radicale et religieuse pour qu’ils se défaussent et ne votent pas leur soutien à la nouvelle coalition anti-Netanyahu. Ce qui la tuerait dans l’œuf. A l’inverse, si quatre des six députés de la Liste arabe unifiée (à ne pas confondre avec la Liste arabe unie, Ra’am) qui regroupent des partis à prédominance arabe se sont engagés à s’opposer au projet de coalition de Yaïr Lapid, en raison de la présence importante de partis considérés comme plus à droite que Netanyahu, les deux autres élus n’ont pas encore précisé ce qu’ils allaient faire pour le vote de confiance. Ils pourraient très bien choisir de soutenir la nouvelle coalition en assurant ainsi une ou deux voix en réserve le jour J. Les jeux continuent donc d’être très serrés pour transformer l’essai.

Une coalition qui s’annonce fragile

D’autant que les négociations pour l’accord de coalition ont été difficiles jusqu’au bout. De fait, pour s’assurer de la possibilité d’une coalition, Yaïr Lapid pouvait compter sur l’appui du centre et de la gauche même si tout n’a pas été fluide. Mais il a dû en parallèle composer avec Naftali Bennett, le chef du parti de droite radicale Yamina, réputé proche des colons, et qui est apparu comme l’un des principaux faiseurs de roi après le dernier scrutin. Pour le convaincre de rejoindre la coalition, le président de Yesh Atid, a accepté un poste de Premier ministre par rotation. Dans ce cadre, Naftali Bennett occuperait le poste de Premier ministre pendant deux ans avant de céder les rênes à Yaïr Lapid. Selon la presse israélienne, le leader centriste serait d’abord ministre des Affaires étrangères.

Pour l’accord de coalition, Yaïr Lapid a aussi réussi à s’assurer le soutien du parti Ra’am, la Liste arabe unie mais sous condition. « J’ai signé un accord avec Yaïr Lapid (…) après que nous sommes parvenus à un nombre important d’accords sur différents sujets qui servent les intérêts de la société arabe », a déclaré Mansour Abbas, le chef du parti, hier dans une déclaration télévisée. Selon Ra’am, a fait savoir le Times of Israel « le bloc du changement » a accepté d’allouer plus de 53 milliards de shekels (un peu plus de 13 milliards d’euros) de budgets et de plans de développement pour la société arabe. Et trois villages bédouins non reconnus – Abda, Khashm al-Zena et Rakhma – devraient être légalisés.

Le gouvernement de coalition restera cependant précaire. Chacun des 61 députés qui la soutiendra, aura le pouvoir – par son simple vote – de vie ou de mort sur elle en lâchant ou non la majorité. Et cela pourra vite survenir tant les désaccords en internes, issus des idéologies très différentes des partis la composant, sont nombreux : conflit israélo-palestinien, colonies dans les Territoires palestiniens, économie, système judiciaire, place de la religion, question des migrants, problèmes sociaux et sociétaux, …

Isaac Herzog, 11e président d’Israël

L’annonce d’un accord de coalition est intervenue 12 heures après que les députés de la Knesset votaient pour le prochain président d’Israël. C’est le fils du sixième président israélien, l’ancien chef du Parti travailliste, Isaac Herzog qui a été élu avec 87 voix sur 120 et remplacera le mois prochain le président sortant Reuven Rivlin. Son mandat de sept ans commençant le 9 juillet. Les attributions du président sont principalement honorifiques en Israël. Mais c’est lui qui, comme on l’a vu, nomme, pour lui confier la formation d’un gouvernement, le chef du parti arrivé en tête à la Knesset ou le député qui a le plus de chance de réussir.

 

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