Actualité et archéologie du Moyen-Orient et du monde de la Bible

Le muezzin entre histoire et littérature

Marie-Armelle Beaulieu
30 septembre 2013
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Personnellement, j’étais pour publier une vieille photo noir et blanc comme photo de couverture (celle de la page 41) parce que de nombreux lecteurs aiment ces témoignages du passé du pays. Mais les dorénavant collègues de Bayard Service Édition (Nelly et Bernard, voire ci-contre) m’ont justement fait remarquer “Le noir et blanc évoque quelque chose qui n’existe plus”…
Le fait est que le chant du muezzin existe encore, mais le muezzin au sommet de son minaret n’existe plus. Et puisque nous avons cassé notre tirelire pour acheter les photos de Firaz autant en profiter. Nous reste nos remarques sur le minaret.
Minaret… un mot qui ressemble tellement à ce pays et si peu à celui de la majorité des lecteurs. En France, une vingtaine de mosquées ont un minaret pour quelques 2000 lieux de culte, mais aucun son ne s’échappe jamais d’aucun. Gageons que les réactions seraient vives pour ne pas dire violentes.
Quand les européens entendent le muezzin ici, leurs réactions sont également variées. Il y a cette histoire ou légende locale (rapportée sur le site de la municipalité de Ramleh) selon laquelle, Napoléon, la nuit du 1er mars 1799 qu’il passa dans la ville, fut dérangé dans son sommeil par le chant du muezzin. Le sang de l’empereur ne fit qu’un tour et s’emparant de son pistolet, il fit trépasser l’importun.
Attitude diamétralement opposée à celle d’un autre empereur, Frédéric  II de Hohenstaufen, qui régna sur le Saint-Empire romain germanique de 1220 à 1250 et fut entre autres roi de Jérusalem. Les chroniques de Badr al-Dîn al’-Aini, intitulées Le collier de perles, nous rapportent les propos de Shams al-Dîn, cadi de Naplouse, chargé par le sultan Malik Al-Kamel d’Égypte de conduire l’empereur à Jérusalem, après le traité de Jaffa qui lui ouvre les portes de la ville en 1229.
“Cette nuit-là, rapporte le cadi, je demandai au muezzin de ne pas appeler à la prière pour ne pas incommoder l’empereur. Mais celui-ci, lorsque je vins le voir le lendemain, m’interrogea : Ô cadi, pourquoi les muezzins n’ont-ils pas appelés à la prière comme d’habitude ? Je répondis : C’est moi qui les ai empêchés de le faire par égard pour ta majesté. – Tu n’aurais pas dû agir ainsi, dit l’empereur, car si j’ai passé cette nuit à Jérusalem, c’est surtout pour entendre l’appel du muezzin dans la nuit.” Une perception bien romantique pour le XIIIe siècle et si contemporaine de celle d’un Pierre Loti dans son o Jérusalem parlant ainsi de l’appel à la prière : “et du haut des mosquées, chants lointains et doux, que des muézins inspirés laissent tomber sur la terre…” ou encore “d’autres cris religieux, – exaltés et stridents, partent ensemble de différents points de la ville, traversant l’air comme de longues fusées : les muézins, qui chantent le Moghreb !… Ô Jérusalem, sainte pour les chrétiens, sainte pour les musulmans, sainte pour les juifs, d’où s’exhale un bruit incessant de lamentations ou de prières !” Et vous, le chant du muezzin a-t-il inspiré votre séjour ?

Dernière mise à jour: 30/12/2023 23:14

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