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Juifs, judaïsme et sionisme dans la revue

extraits de La Terre Sainte
14 janvier 2021
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Juifs, judaïsme et sionisme dans la revue
Le mur occidental avant 1946.©Library of Congress Prints and Photographs Division Washington, D.C. 20 540

On pourrait lancer une étude sur la question du rapport délicat et changeant que la revue La Terre Sainte a entretenu avec les juifs, le judaïsme et le sionisme. Tout au long du XXe siècle, il évolue au rythme de l’Église. Si le Concile Vatican II marque un très net tournant, la plaie du conflit israélo-arabe continuera d’entacher longtemps la perception de l'État d'Israël et du sionisme.


Titre original : La Terre Sainte et le Concile / Georges Lugans ofm, La Terre Sainte, février 1965, page 46

La déclaration du Concile sur “les non-chrétiens” n’a pas eu, en Moyen-Orient et surtout en Jordanie, la même audience. Chrétiens et musulmans, même des plus haut placés, ont eu tout de suite la tête près du bonnet, sans même prendre le temps de s’enquérir du texte intégral de la déclaration, s’échauffant passionnellement sur le seul point qui traite des juifs, abstraction faite de tout le contexte du chapitre et de son insertion dans le schéma sur l’Église.

Les Patriarches de l’Orient, les Supérieurs ecclésiastiques et les Pasteurs d’âmes ont fait, à ce sujet, les déclarations nécessaires en précisant la position uniquement religieuse et non politique de l’Église en cette question. On a beaucoup parlé et écrit jusqu’à ce qu’une lecture plus attentive du document conciliaire et un peu plus de raison aient ramené les esprits à une plus grande retenue. Au Liban, il s’est même élevé des voix musulmanes pour appeler le monde arabe à la réflexion.

M. Hassan Saab, dans un article publié dans L’Orient écrit : “Le Vatican, pour l’opinion arabe éclairée, constitue la conscience morale du monde contemporain. Il ne dispose pas de la puissance atomique, mais il représente la puissance de l’esprit, de la vérité, de la charité, de la liberté et de la justice. Le problème juif bouleverse la conscience chrétienne aussi profondément que le problème palestinien bouleverse la conscience arabe”. Il dit plus loin : “La déclaration du Concile sur les relations avec les religions non-chrétiennes, y compris la religion juive, est un des documents les plus nobles de l’histoire contemporaine et il est regrettable que la crainte de l’exploitation sioniste de la déclaration ait empêché les Arabes d’en examiner de près le contenu… Le christianisme et l’islam ne peuvent que s’entendre sur la déclaration et se féliciter de son esprit”.

M. Mohamed Naccache, dans un article intitulé “Quel tort peut nous faire la décision d’innocenter les juifs du sang du Christ ?”, écrit de son côté : “Nous avons toujours tenu à faire la distinction entre le judaïsme en tant que religion et le sionisme en tant que mouvement colonial et racial. Pourquoi devrions-nous changer de position après une déclaration du Concile rendant leur dignité aux juifs et leur qualité de membres d’une religion déterminée ?”

Il n’est pas vrai que le gouvernement jordanien ait pris des mesures pour empêcher les évêques du Concile d’accéder aux Lieux-Saints. La preuve en est qu’au lendemain de la troisième session, plus de cent évêques sont venus ici en pèlerinage.

L’Occident n’a pas le droit d’ignorer ce drame et on ne peut pas le cacher aux pèlerins des Lieux-Saints, qui ont assez de cœur pour pouvoir se pencher sur la souffrance de ce peuple qui habite le pays du Christ.

L’escale du pape à Beyrouth, sur le chemin de Bombay, motivée en dernière heure, croit-on, par la tension des esprits au Moyen-Orient, a providentiellement permis à Paul VI de saluer avec une vive sympathie la population, chrétienne et musulmane, du Liban et tout le monde arabe. S’il semble qu’à présent les réactions passionnelles se soient calmées, il n’en reste pas moins qu’elles traduisent une souffrance intense de la conscience arabe, profondément ébranlée par le drame palestinien. Cela doit nous aider à comprendre l’angoisse avec laquelle les Arabes, même nos chrétiens, ont suivi les discussions conciliaires sur les juifs, et l’émotion que suscite chez eux toute déclaration, toute attitude, tout comportement qui semble favoriser un état de choses qu’ils n’acceptent pas. Notre rôle n’est-il pas de nous pencher, en bons samaritains, sur les plaies dont souffre ce peuple de croyants, fils d’Abraham, eux aussi célébrés par le Concile, et de les aider à obtenir satisfaction dans ce que leurs revendications ont de légitime ? L’Occident n’a pas le droit d’ignorer ce drame et on ne peut pas le cacher aux pèlerins des Lieux-Saints, qui ont assez de cœur pour pouvoir se pencher sur la souffrance de ce peuple qui habite le pays du Christ.

Lire aussi >> “Nous devons prendre les juifs comme ils sont”

Quelqu’un a dit, en effet : “Les pays et les hommes parmi lesquels nous voyageons nous regardent et nous voient”, mais on pourrait ajouter : Il faut que nous aussi, nous sachions regarder et voir, et comprendre et aimer, sans distinction de race ou de religion, et sans esprit partisan, les pays et les hommes parmi lesquels nous voyageons. Et alors, on peut citer la phrase fondamentale de l’Évangile : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”, y ajouter le commentaire du pape Pie XII quand il dit : “Aimer son prochain, c’est l’aimer avec ce qu’il aime”, et l’expliquer, comme le faisait très justement un directeur de pèlerins, en montrant le vrai sens d’un pèlerinage en Terre Sainte : “Mais aimer quelqu’un avec ce qu’il aime, c’est l’aimer avec sa race, avec son sang, avec son pays, avec sa soif d’espérance, avec sa soif de promotion, c’est l’aimer avec tout ce qu’il est, c’est essayer de rentrer à l’intérieur de ses préoccupations mêmes et cela est déjà un geste chrétien. Si nous allons dans un pèlerinage en Terre Sainte pour découvrir la source même de l’amour rédempteur, il ne faudrait pas oublier que cet amour nous enveloppe avec tous nos frères”.

Pèlerins qui visitez la Terre Sainte, vous trouverez partout des frères qui travaillent, ne manquez pas de voir un camp de réfugiés palestiniens, vous y trouverez aussi des frères qui souffrent…

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