Dimanche dernier, le 7 septembre, des millions de personnes partout dans le monde ont levé les yeux vers le ciel pour assister à l’un des événements astronomiques les plus fascinants de l’année : l’éclipse lunaire totale, appelée populairement la « lune de sang ».
Ce spectacle naturel, qui a teinté notre satellite de nuances rouges et orangées, a suscité émerveillement et étonnement non seulement chez les scientifiques et les passionnés d’astronomie, mais aussi dans le cœur de millions de fidèles musulmans, qui ont vécu l’événement comme une opportunité de renforcer le lien avec le Créateur.
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En effet, dans tout le monde islamique, de l’Égypte à l’Arabie saoudite, en passant par les pays du Golfe, les autorités religieuses ont invité les croyants à se rassembler dans les mosquées pour accomplir la Salat al-Khusuf pour l’éclipse lunaire (et la Salat al-Kusuf pour l’éclipse solaire – il y a un h de différence dans le mot qui en change la prononciation), une pratique qui remonte aux temps du Prophète. Cette prière vise à rappeler la grandeur et la puissance de Dieu à travers les signes visibles dans l’univers.
Dans le Coran et la Sunna (les enseignements tirés des paroles et actions du Prophète), les phénomènes naturels (le lever et le coucher du soleil, les phases de la lune, les pluies, les tremblements de terre, les éclipses) ne sont pas considérés comme des événements purement aléatoires ou scientifiques. Ils sont vus comme des ayat, des signes d’Allah, qui invitent l’être humain à réfléchir sur la création, à prendre conscience de sa propre faiblesse et à fortifier sa foi.
« Le soleil et la lune sont deux des signes d’Allah […] Quand vous les voyez, retournez-vous vers la prière, suppliez, souvenez-vous d’Allah et demandez pardon. »
Dans ce sens, la « lune rouge » de ces jours-ci n’a pas été seulement un phénomène fascinant à photographier ou étudier, mais pour le monde musulman, aussi un appel spirituel à la présence du Divin, à la fin des temps, et à notre rôle en tant qu’êtres humains sur terre.
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La Salat al-Khusuf et la Salat al-Kusuf sont toutes deux des Sunnah Mu’akkadah, c’est-à-dire des pratiques fortement recommandées. Elles ne sont pas obligatoires, mais elles constituent une forme d’adoration permettant de souligner des événements extraordinaires. Elles consistent en deux rak‘ah (unités de prière), mais chaque rak‘ah est structurée de façon particulière. Chaque unité comporte deux moments en position debout (qiyam), qui incluent la récitation de passages du Coran.
Dans chaque station debout, on récite à haute voix la première sourate (Al-Fatiha) suivie d’une sourate plus longue, puis on effectue un ruku‘ (inclinaison) ; on se redresse, récite de nouveau la sourate Al-Fatiha et une autre sourate (plus courte que la précédente), puis un second ruku‘. À la fin, on se prosterne (sujud). Chaque rak‘ah inclut deux ruku‘ et deux sujud.
Après la prière, l’imam prononce un sermon (khutbah), dans lequel il médite sur le sens de ces phénomènes et appelle les fidèles à la droiture et à la piété (taqwa) envers Dieu.
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Ce n’est pas surprenant : dans la pensée islamique, la nature est un langage qui parle de Dieu. Le soleil, la lune, les étoiles, la nuit et le jour sont fréquemment cités dans le Coran comme des signes visibles de la sagesse, de la miséricorde et de la puissance d’Allah. En particulier, la lune joue un rôle central : elle régule le calendrier islamique (Hijri), détermine le début et la fin du mois de Ramadan, et sert de guide pour le voyageur la nuit.
On lit dans le Coran (Sourate 41, verset 37) : « Et parmi Ses signes il y a la nuit et le jour, le soleil et la lune. Ne vous prosternez ni devant le soleil ni devant la lune, mais prosterniez-vous devant Allah qui les a créés, si c’est Lui que vous adorez. »
Cette profonde spiritualité cosmique rapproche l’islam d’autres traditions religieuses qui reconnaissent dans les éléments naturels des signes de la présence divine. En particulier, dans l’Année du Cantique de saint François d’Assise – proclamée en Italie pour célébrer l’harmonie entre la Création et la spiritualité – on retrouve un point d’ancrage symbolique entre la foi islamique et la sensibilité franciscaine.
Les deux visions voient le créé non pas comme un simple objet de consommation ou un spectacle, mais comme un moyen d’élever l’âme et contempler le Créateur.
Aujourd’hui encore, à une époque où la science a expliqué beaucoup de phénomènes célestes, la prière islamique pour l’éclipse invite à ne pas oublier le sens spirituel qui accompagne la merveille de l’univers.
Le risque, comme il est probablement arrivé à beaucoup d’entre nous, est d’avoir observé la « lune rouge » uniquement à travers l’écran d’un smartphone, en oubliant ce qu’elle représente selon une perspective religieuse : un signe, un appel à la réflexion, à la conversion et au retour vers Dieu.