Une ultime étape a été franchie, le 5 novembre, concernant le projet controversé de téléphérique aux abords de la vieille ville de Jérusalem. « L’approbation finale » au projet vient ainsi d’être annoncée par la commission ministérielle israélienne pour la planification, la construction, l’immobilier et le logement. Le projet ne doit plus que faire l’objet d’une approbation – procédurale – par le gouvernement, a fait savoir Haaretz.
Le 3 juin dernier, le Comité national des infrastructures en Israël avait rejeté une série d’objections contre ce dossier et avait transféré le projet au gouvernement pour validation.
Le téléphérique devrait donc relier l’ancienne gare de Jérusalem à la Porte des Immondices au sud de la vieille ville, accès qui mène au Mur Occidental, le site le plus sacré du judaïsme vers lequel convergent chaque jour des milliers de pèlerins et de touristes. Selon les estimations du Ministère du Tourisme, 135 000 personnes visitent la vieille ville chaque semaine.
La commission ministérielle qui vient de donner son accord au projet est chapeautée par le ministre des Finances, Moshe Kahlon, qui a fait l’annonce hier via son compte Twitter. Il a par ailleurs déclaré que le projet allait au-delà d’une question de désengorgement des transports et des piétons, de pollution et de tourisme mais constituait aussi une initiative sociale et nationale visant à rendre le site accessible à tous et notamment pour les personnes handicapées ou âgées. « Pendant 2000 ans, nous avons attendu le Mur Occidental et il ne faut pas que les embouteillages empêchent les gens d’atteindre leditmur pour prier, se promener et participer à des cérémonies militaires et nationales. »
Le projet de téléphérique prévoit que soient transportées sur près de 1,5 km, jusqu’à 3 000 personnes par heure (durant les heures de pointe) dans les deux sens, dans 72 cabines de 10 personnes. Le trajet comptera moins de cinq minutes.
Les cabines partiront de la rue David Remez, à l’extérieur de l’ancienne gare de Jérusalem puis traverseront le quartier d’Abou Tor avant de traverser la vallée de Hinnom (aussi connue sous le nom de Géhenne) pour s’arrêter au mont Sion, puis passeront au-dessus du village palestinien de Silwan jusqu’à leur destination finale : le centre Kedem (à construire) dédié à la promotion de la « cité de David » gérée par Elad, une organisation très à droite. Du centre Kedem, les visiteurs se rendront à pied au Mur Occidental. Le coût des travaux est estimé à près de 200 millions de shekels (50 millions d’euros).
De la légitimité d’un gouvernement de transition pour un tel projet
Depuis que le projet est dans les cartons, de nombreux opposants (architectes, urbanistes, archéologues, écologistes, guides touristiques, karaïtes,…) ont critiqué le projet. Certains affirment que le téléphérique endommagera la vieille ville et son paysage biblique en participant à une « Disneyfication » de son patrimoine spirituel et culturel.
D’autres y voient une tentative de renforcer la judaïsation de la ville, en changeant son narratif en évitant de faire passer les visiteurs par la porte de Jaffa ou de Damas mais en privilégiant le sud aux abords de la « Cité de David ». Ils dénoncent aussi le renforcement de la présence juive dans le quartier palestinien de Silwan et le risque pour ses habitants d’être confrontés à des expropriations de terrain, de voir s’ériger des pylônes nécessaires pour porter l’ouvrage câblé, et de subir l’aller-venue des cabines au-dessus de leurs têtes.
La décision de donner un feu vert au projet a été prise, a fait savoir Haaretz,« en dépit d’une requête urgente envoyée il y a plusieurs jours par les opposants, au procureur général Avichai Mendelbit, dans laquelle ils affirmaient qu’un projet d’une telle importance ne pouvait être approuvé par un gouvernement de transition ». Après deux élections législatives organisées en avril et septembre dernier, le pays est fondamentalement paralysé dans l’attente de la formation d’une nouvelle coalition gouvernementale. Le gouvernement sortant de Benjamin Netanyahu est donc toujours en place.
Parmi les opposants au projet de téléphérique à Jérusalem, l’ONG Emek Shaveh, qui œuvre pour la préservation du patrimoine culturel et qui a organisé des visites guidées pour dénoncer le projet de téléphérique à Jérusalem (et notamment son aspect idéologique), envisage de faire appel ces prochains jours devant la Haute Cour de justice israélienne de la décision prise hier par la commission ministérielle.
Dans un communiqué l’ONG explique qu’« un gouvernement de transition n’est pas autorisé à approuver des projets nationaux de cette ampleur et ayant des implications politiques aussi importantes pour Jérusalem. L’appel devant la Haute Cour est destiné à éviter l’impact destructeur d’un téléphérique sur le paysage de la vieille ville et sur la situation politique fragile à Jérusalem ».